La Chine a fait dans la nuit de mercredi à jeudi un pas supplémentaire pour devenir une grande puissance spatiale en réussissant l'amarrage de deux vaisseaux non habités, étape cruciale vers la construction d'une station spatiale prévue vers 2020.

Le vaisseau Shenzhou VIII s'est uni au module Tiangong-1, à une vitesse d'environ 28 000 km/h à 343 km au-dessus de la Terre, a déclaré jeudi le porte-parole du Programme de vol habité chinois, Wu Ping.

Shenzhou («vaisseau divin») VIII avait décollé mardi de la base de Jiuquan, d'où était également parti le 29 septembre le module d'essai Tiangong-1 («Palais céleste»).

Les dirigeants chinois, dont le premier ministre Wen Jiabao, ont assisté en pleine nuit à la retransmission de l'opération, décrite comme un «baiser spatial» par les médias, depuis le centre de contrôle de Pékin. Le président Hu Jintao qui se trouve en France pour participer au sommet du G20 de Cannes a envoyé un message de félicitations.

Shenzhou VIII et Tiangong-1 resteront amarrés pendant à peu près 12 jours avant de se séparer pour s'unir à nouveau pendant deux jours. Après leur deuxième séparation, «Shenzhou VIII doit revenir sur Terre le 17 novembre en fin de journée», a indiqué Me Wu lors d'une conférence de presse.

La maîtrise des rendez-vous spatiaux est une étape cruciale dans la conquête de l'espace, franchie par les Russes et les Américains dans les années 1960. Me Wu a souligné qu'après une phase de coopération avec les Russes autour de l'an 2000, les Chinois avaient développé eux-mêmes la technologie nécessaire.

Ce premier amarrage entre dans le cadre du programme visant à doter d'ici une décennie la Chine d'une station orbitale dans laquelle un équipage peut vivre en autonomie durant plusieurs mois, comme l'ancienne station russe Mir ou la Station spatiale internationale (ISS).

Si la mission Shenzhou VIII est un succès, la Chine lancera l'année prochaine deux autres vaisseaux pour aller rejoindre Tiangong-1, successivement Shenzhou IX et Shenzhou X, dont l'un au moins sera habité.

Deux femmes font partie des astronautes qui s'entraînent en vue de cette mission, selon l'agence. Si elles sont choisies, elles seront les premières Chinoises à être envoyées par leur pays dans l'espace.

En 2016, la Chine veut ensuite se doter d'un laboratoire spatial.

Shenzhou VIII a aussi embarqué un ensemble de 17 expériences en sciences de la vie réalisées en coopération avec l'Allemagne. C'est «la première coopération internationale du programme du vol habité chinois dans le domaine des sciences spatiales», a indiqué Mme Wu, qui a insisté sur la volonté de Pékin d'engager des «coopérations concrètes avec tous les pays du monde».

Pour les Chinois, «il s'agit de démontrer qu'un niveau de collaboration réel est désormais atteint» tandis que les Allemands cherchent à diversifier leurs «transporteurs», a déclaré à l'AFP Isabelle Sourbès-Verger, spécialiste du programme spatial chinois au CNRS.

Lancé au début des années 1990 grâce à des achats de technologie russe, le programme de vol habité chinois est contrôlé par l'armée et était resté jusqu'ici à l'écart de la coopération internationale, contrairement aux autres domaines spatiaux comme l'astrophysique ou l'observation de la Terre.

Le relatif isolement de la Chine est dû à «la résistance des Etats-Unis, principalement pour des raisons de sécurité, mais aussi politiques», selon Morris Jones, expert du programme spatial chinois basé en Australie.

La Chine a procédé à son premier vol spatial habité en 2003, devenant le troisième pays à envoyer des hommes dans l'espace après l'Union soviétique et les Etats-Unis.

En septembre 2008, Pékin a affirmé ses ambitions en réalisant une sortie extra-véhiculaire dans l'espace lors de la mission Shenzhou VII.

Un autre pendant du programme spatial chinois est constitué par les sondes lunaires Chang'E, dont la deuxième a été envoyée l'an dernier. Mais jusqu'ici, la Chine n'a pas encore annoncé officiellement son intention d'envoyer des hommes sur la lune.