L'Université McGill a refusé vendredi de répondre directement à de nombreuses questions sur sa proximité avec l'industrie de l'amiante, au lendemain de la diffusion à la CBC d'une enquête à ce sujet.

Le reportage de la CBC rappelle la fondation d'un institut de santé publique dans les années 60 à l'initiative de l'industrie de l'amiante et son financement par cette industrie dans les années qui ont suivi.

L'institution d'enseignement est en même temps la cible d'une lettre signée par 80 universitaires, médecins et experts, dont la moitié de l'étranger, lui demandant de couper tous ses liens avec l'industrie, notamment en n'invitant plus Roshi Chadha à participer à ses diverses instances.

Les signataires de la lettre affirment que Mme Chadha «exporte l'amiante depuis 16 ans». Elle est associée avec son mari Baljit Chadha dans diverses entreprises; M. Chadha tente de relancer la mine Jeffrey à Asbestos. Le gouvernement du Québec doit prochainement prendre la décision de consentir ou non un prêt de 58 millions au projet de relance.

En réponse à la demande d'entrevue de La Presse, l'Université a fait parvenir une déclaration écrite de David Eidelman, vice-principal, Santé et affaires médicales, et doyen de la faculté de médecine.

«L'Université McGill s'appuie sur de rigoureuses normes éthiques en matière de recherche, affirme M. Eidelman. La valeur scientifique et l'intégrité de la recherche réalisée au sein de notre institution sont d'une importance capitale. Lorsque, à l'occasion, des préoccupations sont exprimées quant aux normes éthiques suivies par nos chercheurs, nous avons recours à un processus d'enquête rigoureux.»

Dimanche dernier, Mme Chadha a annoncé qu'elle se retirait temporairement de plusieurs organisations, dont le conseil des gouverneurs de McGill. Plus tôt cette année, elle a aussi démissionné du conseil de la Croix-Rouge.

Mme Chadha a elle aussi répondu par courriel à La Presse, affirmant qu'elle était «fière de sa contribution» et qu'elle s'attendait à «contribuer de nouveau à l'avenir», mais que les institutions auxquelles elle était liée «ont subi des pressions indues», ce qui est «injustifié et inacceptable».

«La promotion d'une information contrôlée»

Le reportage de la CBC et les signataires de la lettre s'appuient sur les mêmes faits et affirmations.

«Il y a longtemps que McGill sert les intérêts de l'industrie de l'amiante du Québec, affirme la lettre. En 1965, l'Association des mines d'amiante du Québec (AMAQ) a commencé à "rechercher une alliance avec une université, telle que McGill, [...] pour donner une apparence d'autorité à sa publicité". L'année suivante, cette alliance s'est concrétisée quand l'AMAQ a commencé à financer la recherche épidémiologique portant sur l'amiante, du professeur JC McDonald et de son unité de recherche à l'Université McGill.»

«L'Institut de la santé et l'environnement de l'AMAQ et JC McDonald, professeur émérite d'épidémiologie de l'Université McGill, ont eu une influence délétère significative dans le reste du monde en faisant la promotion d'une information contrôlée et financée par l'industrie de l'amiante, une information dont l'objectif était de protéger les intérêts de l'industrie.»

«Compte tenu des problèmes éthiques que suscite ce contexte douteux, nous estimons que McGill encourt une obligation particulière de refaire la preuve de son intégrité intellectuelle en rompant tout lien avec l'industrie dévoyée de l'amiante», affirme la lettre.

Les signataires demandent entre autres à McGill de cesser d'utiliser de l'amiante dans la construction de son Centre de santé universitaire. Le mois dernier, La Presse a révélé que des conduites en amiante-ciment seraient employées dans l'hôpital pour les égouts pluviaux. C'est l'un des usages de l'amiante au Québec qu'encourage le gouvernement provincial. Mais l'Organisation mondiale de la santé préconise l'utilisation des substituts à l'amiante chaque fois que c'est possible. Et il y a au moins deux substituts à l'amiante-ciment pour les égouts pluviaux.

«Compte tenu des dommages que McGill a provoqués au fil des ans en servant de véhicule de la propagande mensongère de l'industrie de l'amiante, il est proprement scandaleux que l'Université McGill continue en 2012 de saper le travail de l'OMS et des responsables de la santé au Canada qui demandent tous qu'on arrête d'utiliser l'amiante», dit la lettre.