Le gouvernement Harper devrait rougir de ses positions sur le respect des libertés fondamentales, juge Amnistie internationale. Et l'ensemble de la Francophonie, que le Canada accueille actuellement à Québec, est loin d'être exemplaire en matière de droits de l'homme.

Le verdict de l'organisme international frappe au moment où ressurgit l'habituel débat sur le manque de pouvoirs de la Francophonie pour contraindre ses membres à respecter les libertés fondamentales.

 

Cette question des droits sera soulevée à nouveau dans la déclaration de clôture du sommet des 55 pays qui ont «le français en partage», cet après-midi. Pas question, toutefois, d'étendre à d'autres membres l'exclusion qui frappe actuellement la Mauritanie depuis le coup d'État du 6 août dernier.

Une déclaration d'intention sera-t-elle utile? «C'est mieux qu'une claque au visage. Mais ce n'est pas suffisant. Comme une déclaration générale n'est pas assez ferme, nous, on soulève les problèmes un à un», a dit la porte-parole francophone d'Amnistie au Canada, Anne Sainte-Marie.

Selon elle, les pays de la Francophonie qui bafouent les droits de l'homme sont encore bien trop nombreux. Plus de 11 pays francophones n'ont pas adhéré à la convention internationale pour proscrire la torture.

«Depuis le 11 septembre, des pays qui se disaient contre la torture se sont mis à finasser avec cette réalité», a-t-elle dit. Maher Arar a été envoyé en Syrie, où il a été torturé; Omar Khadr a été envoyé à Guantánamo, et il y a de plus en plus de preuves qu'il a été soumis à des sévices physiques lui aussi, constate-t-elle.

Sur la scène internationale, la position du Canada depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper est «terrible», selon Amnistie. La liste est longue: absence d'appui au moratoire international sur la peine de mort, «sabordage» du travail des fonctionnaires canadiens sur la déclaration des droits des peuples autochtones, oubli de la contribution de Louise Arbour, silence sur Guantánamo. «Même la Croix-Rouge est sortie de sa réserve proverbiale pour dénoncer Guantánamo. Le Canada, lui, est resté muet!» lance Mme Sainte-Marie.

Au Burundi, en Égypte, en Guinée équatoriale, au Liban, en Mauritanie, au Niger, au Togo et en Tunisie, la torture est «répandue», voire systématique, selon le rapport préparé par Amnistie en prévision du sommet de Québec.

Isoler les pays délinquants?

En point de presse hier, après les premières rencontres des chefs d'État, le porte-parole du premier ministre Harper, Dimitri Soudas, a résumé comme suit la position d'Ottawa: «L'approche du Canada est guidée par notre engagement à promouvoir les libertés et les droits de la personne et par notre volonté de protéger la stabilité à l'échelle mondiale.»

Interpellé sur la position de son patron, M. Soudas s'est rabattu sur une déclaration d'il y a 18 mois sur le respect des libertés fondamentales en Colombie. Pas question de mettre au ban les pays délinquants. «La participation, l'aide, le mentorat sur la façon dont on respecte les droits de la personne ici, c'est avec cette approche qu'on peut espérer faire certains progrès. Si on isole certains pays qui ne respectent pas les normes idéales, le résultat ne serait pas celui qu'on souhaite.»

La situation en Mauritanie a été discutée hier à la table du sommet. Le pays a été secoué par un coup d'État en août dernier. Vingt jours plus tard, la Mauritanie a été suspendue de la Francophonie.

«Comme dans toutes les familles, il y a des gens qui se comportent moins bien. Pour la Mauritanie, on a dit trop, c'est trop», explique-t-on aux Affaires étrangères canadiennes.