Dans le concert des pays les plus pauvres de la planète, la Francophonie est surreprésentée. Et, au-delà des engagements de principe, l'Organisation des pays francophones tarde à faire appliquer les «droits économiques» en cette période de crise alimentaire.

La hausse fulgurante du prix des denrées alimentaires, en Afrique surtout, «place de nombreux pays de l'espace francophone au bord du gouffre», prévient Amnistie internationale (AI) dans un rapport préparé pour le Sommet de Québec et rendu public hier.

 

«Déjà, des émeutes de la faim ont été signalées dans de nombreux pays de l'Organisation des pays francophones où la disponibilité et l'accessibilité de la nourriture ne sont plus garanties», constate AI.

«Dans le groupe des pays les plus pauvres du monde, la Francophonie est surreprésentée», résume Anne Ste-Marie, porte-parole québécoise d'Amnistie. Le Mali, Haïti, le Niger et le Burkina Faso ont comme point commun non seulement leur extrême pauvreté, mais aussi leur langue: le français.

Amnistie internationale salue la décision de la Francophonie de déclarer que les droits économiques «doivent faire l'objet de la même attention que les droits civils et politiques dans l'espace francophone». «Déclarer, c'est bien, mais agir, c'est mieux. Il y a eu bien peu de gestes pour assurer le respect des droits économiques et culturels», déplore Mme Ste-Marie.

Palmarès des «mains sanglantes»

Comme d'habitude, AI brosse son tableau du respect des droits de l'homme dans chaque pays et dénombre plusieurs gouvernements autoritaires où l'emprisonnement arbitraire, la peine de mort, la torture surviennent encore trop souvent. C'est le palmarès des «mains sanglantes», résume Mme Ste-Marie. Mais en cette année de crise alimentaire, Amnistie internationale a cette fois tenu à ajouter un verdict sur l'accès à l'alimentation, à l'instruction et aux soins de santé, les balises importantes des «droits économiques».

«L'État doit assurer le minimum essentiel requis pour que tout individu soit à l'abri de la faim ou, s'il est incapable de se conformer à cette obligation, démontrer qu'il n'a épargné aucun effort pour utiliser toutes les ressources disponibles en vue de remplir en priorité cette obligation minimale», observe Amnistie internationale, qui réclame «la pleine réalisation du droit à une nourriture suffisante».

Droits économiques déficients

Parmi les pays délinquants en matière de droits économiques se trouvent par exemple le Cambodge, où 150 000 paysans sont «chassés par des projets immobiliers, se retrouvent sans toit, sans eau potable, sans moyens de gagner leur vie», observe Mme Ste-Marie.

Au Burkina Faso, un pays où 80% de la population vit d'agriculture, on est contraint d'importer du riz et du lait. «C'est l'indice que le développement tel qu'il se passe actuellement ne fonctionne pas bien», observe Mme Ste-Marie. Les jeunes filles, surtout, n'ont pas accès aux écoles, non plus que les enfants handicapés, ceux nés hors mariage ou tout simplement ceux des campagnes.

Au Burundi et en Mauritanie, le droit à l'éducation est compromis par des conflits locaux. En Mauritanie, 60% des enfants ont accès à l'école, et «d'énormes disparités existent entre les sexes et les régions».

Amnistie internationale presse la Francophonie de «veiller à ce que les pays membres mettent en oeuvre leurs obligations» et, dans le cas contraire, applique «les mesures disciplinaires qui s'imposent en vertu de la déclaration de Bamako». Cet engagement, pris en 2000, suivait le sommet de Moncton, l'année précédente. La réunion des pays francophones avait porté essentiellement sur le respect des libertés fondamentales.