Quand sonne l'heure du repas, les hommes ne veulent pas perdre de temps à couper des légumes et à chauffer de l'huile dans une poêle qu'il faudra laver 30 minutes plus tard. Non, ce qui prime avant tout est le côté pratique. Quitte à manger des plats congelés qu'ils ne trouvent, finalement, pas si bons que ça...

Les hommes qui vivent seuls ont souvent un congélateur bien rempli de plats qui leur permettent de manger rapidement au moment où ils auront faim. C'est ce qu'ont remarqué les nutritionnistes Marie Marquis et Marilyn Manceau lorsqu'elles ont fouillé les frigos et les garde-manger de 15 jeunes Montréalais de 19 à 25 ans. Leur recherche visait justement à établir les facteurs qui déterminent le comportement alimentaire de ces célibataires. Les participants pouvaient vivre seuls ou avec un copain, mais il ne devait pas y avoir eu de présence féminine permanente dans leur appartement depuis au moins un an.Quatre articles se trouvaient dans tous les frigos: de la viande, des frites, des jus surgelés et des légumes. Les chercheuses du département de nutrition de l'Université de Montréal avaient donné des appareils à leurs cobayes afin qu'ils photographient leurs aliments et la préparation de leurs repas. C'est autour des photos que les hommes discutaient ensuite de leur habitudes.

«On s'est peu intéressé à l'alimentation des hommes», constate Marie Marquis. En matière d'alimentation, les stéréotypes ont la couenne dure : les femmes sont toujours responsables des achats et de la préparation des repas. C'est certainement ce qui explique qu'on ait davantage braqué les projecteurs sur les habitudes d'achat des femmes.

Or, ces messieurs sont de plus en plus nombreux à investir le supermarché. Et pas seulement pour des courses d'appoint ou acheter du lait avant de rentrer à la maison. Au Canada, une étude de 2008 révèle que, dans 15% des ménages, c'est monsieur qui a la responsabilité des courses, laquelle est partagée dans 41% des cas.

Il faudra voir les répercussions sur le frigo familial, note Marie Marquis. «Aux États-Unis, les pertes d'emplois ont ramené plusieurs hommes à la maison, dit-elle. Ils sont plus nombreux à s'occuper du repas du soir.»

Ce qui sera intéressant, dit cette spécialiste, c'est de voir comment leur comportement dans les rayons des supermarchés sera influencé par la responsabilité de nourrir la famille, et de bien la nourrir.

Dans le cas des célibataires, cette pression n'est clairement pas présente.

Les deux chercheuses québécoises ont ainsi constaté que les hommes qui participaient à leur étude avaient des talents assez limités dans l'art de recycler les restes. «Ils ne planifient pas leurs repas, explique Marie Marquis. Et s'ils font un grand plat de macaronis le lundi, ils vont en manger jusqu'au samedi suivant.» Le même comportement est noté au supermarché. Ces messieurs ont tendance à faire les courses sans avoir en tête ce qu'il y a déjà dans le garde-manger. Plusieurs conservent cette attitude même lorsqu'ils sont en couple.

Les fruits frais étaient les grands absents des frigos des jeunes hommes. Il ne faut pas s'en étonner. Le mois dernier, Statistique Canada a dressé un indice de la qualité de l'alimentation au pays - une sorte de bulletin de la bonne nutrition établi d'après la consommation de fruits, de légumes, de sel, de vitamines et de minéraux. Les notes se détaillaient selon le sexe et l'âge. Sans surprise, les scores des femmes étaient supérieurs à ceux des hommes dans toutes les tranches d'âge, mais la plus mauvaise note a été attribuée aux hommes de 19 à 30 ans, avec un peu reluisant 54%. Ils sautent aussi souvent leur déjeuner et sont les champions de la consommation de sel.

«Les hommes commencent à s'intéresser à leur alimentation en situation de maladie, explique Marie Marquis. Ou alors s'ils veulent améliorer leur image corporelle.» Les hommes pour qui le culte du corps est très important, dit-elle, font inévitablement plus attention à ce qu'ils mettent dans leur assiette.