À l'issue de dix jours de tractations aussi frustrantes qu'épuisantes à la conférence climat de l'ONU à Copenhague, les négociateurs sont dans un état de fatigue extrême et de tension palpable au moment de laisser la main aux grands dirigeants de la planète.

Assis prostré sur une chaise devant quelques brochures éparses expliquant comment la montée des océans submergerait son île du Pacifique, le premier ministre de Tuvalu résumait à lui seul jeudi l'état général d'épuisement des participants que seules quelques poussées d'adrénaline et de fortes doses de caféine parviennent à masquer.

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«Je suis maussade», soupirait l'honorable Apisai Ielemia, les épaules tombantes, seul sans le moindre assistant pour l'aider à tirer l'alarme sur les plages de sable blanc disparues de son enfance. Et sans personne pour l'écouter.

En vue de la venue de plus de 130 chefs d'État ou de gouvernement mondiaux, les organisateurs de la conférence géante ont fait place nette jeudi pour déployer le tapis rouge, mettant promptement dehors des bataillons entiers de militants d'ONG soudainement jugés indésirables au moment du sprint final.

Jusque-là, le Bella Center qui abrite la conférence destinée à parvenir à l'accord international probablement le plus ardu jamais envisagé, a battu pendant dix jours au rythme d'une fourmilière, entre va-et-vient incessants, files d'attentes interminables, sonneries de téléphone et surpopulation évidente.

Au total, environ 46.000 personnes étaient enregistrées pour la conférence réunissant 193 nations, alors que les halls du Bella Center ne peuvent en accueillir que 15.000, un décalage qui a entraîné un chaos à l'entrée du centre assez symbolique de l'impasse des négociations à l'intérieur.

Militants d'ONG aux causes environnementales diverses et variées ont laissé la place à de nouveaux bataillons de hauts conseillers et de gardes du corps aux visages carrés avec une inévitable oreillette - voire deux - vissée sur le crâne, accompagnant les chefs d'État.

Jeudi, à la veille du plus grand sommet climatique de l'Histoire, des dizaines de dirigeants faisaient grimper l'excitation en arpentant les couloirs de la conférence: le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, l'Israélien Shimon Peres, le Français Nicolas Sarkozy ou le Brésilien Lula, entre autres.

La démesure du sommet a aussi attiré des journalistes de renom. «Je n'ai jamais rien vu de tel», lâche Thomas Friedman, célèbre auteur et éditorialiste du New York Times, en entrant dans la salle de presse grande comme un terrain de football, où travaillent 3.500 journalistes accrédités.

Nerfs à vif et cernes sous les yeux, même chez les vieux briscards, sont autant de preuves de l'impact de presque deux semaines de trop peu de sommeil et de trop de nouvelles.

Vendredi, qui s'annonce comme la journée de toutes les tensions, n'arrangera pas les choses: aux négociations nocturnes viendront s'ajouter de nouvelles restrictions de mouvements pour des raisons de sécurité, tandis que les milliers de membres d'ONG poussés dehors préparent des coups d'éclat en ville et à l'extérieur du Bella Center.