Le consortium GÉNIeau a réclamé des millions de dollars à la Ville de Montréal pour l'annulation du contrat des compteurs d'eau sans prouver qu'elle les avait bel et bien dépensés, affirme un arbitre dans une décision divulguée hier.

GÉNIeau, consortium formé par la firme de génie Dessau et la société Simard-Beaudry Construction (propriété de Tony Accurso), a réclamé 28,2 millions à la Ville. L'arbitre Claude Bisson lui en a accordé 10,2.

Dans sa décision, déposée au conseil municipal, M. Bisson ne se prive pas de souligner plusieurs bizarreries.

Par exemple, GÉNIeau a réclamé 4,6 millions sous la rubrique «approvisionnements» du système de relève automatisé, qui aurait permis de lire les compteurs à distance. «Pourtant, les coûts s'élèvent à moins de 700 000$», note l'arbitre, qui indique que bien des réclamations «sont loin d'être convaincantes».

«Cette illustration à partir de l'approvisionnement fait voir un déséquilibre marqué qui jette beaucoup d'ombre sur la méthodologie suivie par la réclamante [GÉNIeau], ajoute-t-il. D'autres incongruités sont apparues manifestes relativement aux compteurs.»

GÉNIeau réclamait aussi 4,6 millions pour la mise sur pied d'un bureau de projet. En vérité, souligne l'arbitre, «l'investissement total pour la mise sur pied du bureau du projet fut de l'ordre de 400 000$ à 450 000$», soit 10 fois moins que ce qui était réclamé.

Une «accumulation d'un si grand nombre» de dépenses «n'est pas sans soulever de sérieuses interrogations», ajoute l'arbitre. Il souligne «l'absence de notes de travail qui, si elles ont été faites, n'ont pas été conservées».

«Autre élément qu'il convient de noter: l'absence de la part de la réclamante d'une analyse par un expert... Les appuis à la méthodologie de la réclamante sont largement absents ou encore fixés de façon arbitraire.»

L'arbitre n'en accueille pas moins plusieurs réclamations, y compris pour une partie des dépenses de relations publiques, lorsque des médias ont exposé les failles de ce contrat de 355 millions de dollars, le plus important jamais accordé par la Ville de Montréal. La Ville se trouve ainsi obligée de rembourser 43 000$ en «frais d'image». GÉNIeau s'était adressé au cabinet de relations publiques National lorsqu'il s'était trouvé dans la tourmente.

Alex Norris, conseiller municipal de Projet Montréal, deuxième parti de l'opposition, dénonce l'attitude du consortium. «Il ressort clairement de la décision d'arbitrage que GÉNIeau a grossièrement exagéré ses réclamations», dit-il.

«Ces incohérences et ces exagérations nous confirment la nécessité d'obtenir toutes les pièces justificatives devant la Commission d'accès à l'information», dit-il. Vision Montréal, premier parti de l'opposition, participe à cette démarche.

Le fiasco du contrat des compteurs d'eau ne se serait jamais produit si l'administration Tremblay avait agi avec plus de sagesse, ajoute le conseiller, qui donne l'exemple de la Ville de Québec.

L'administration municipale de Québec a décidé d'acheter elle-même les compteurs plutôt que de recourir à un intermédiaire. Elle les revend aux propriétaires d'immeubles industriels, commerciaux et institutionnels. Ce sont ses propres cols bleus qui en surveillent l'installation. Le tout se fait par étapes. L'appel d'offres pour l'achat des compteurs a été divisé en cinq portions. Résultat: le tout ne lui coûte rien, sauf le salaire des quelques cols bleus affectés à cette tâche.