Une portion manquante de l'enquête du vérificateur général de Montréal sur les compteurs d'eau sera rendue publique au moment de l'annulation du contrat par les élus, au prochain conseil municipal. Et actuellement, la Sûreté du Québec s'affaire à attacher les dernières ficelles de son enquête dont les résultats passeront par les tribunaux très prochainement, a appris La Presse.

À la SQ, le sergent responsable des communications, Claude Denis, n'a pas été en mesure de fournir des détails précis sur l'enquête, vendredi, mais il a indiqué qu'un «rapport doit d'abord être soumis au procureur de la Couronne». «Je n'ai pas l'autorisation de vous dire si l'enquête est en cours ou terminée, mais je peux vous dire que l'information sera communiquée publiquement dès qu'on le pourra», a-t-il précisé.

Jacques Bergeron, vérificateur général de Montréal, et son équipe ont pour leur part consacré les dernières semaines de la campagne électorale à finaliser l'enquête sur les contrats d'eau. Et plus particulièrement au sujet d'une portion plus obscure du contrat, portant sur l'absence d'un avis de conformité du processus d'appel de qualifications, en juin 2006.

En menant ses recherches dans les documents qui ont été soumis aux élus de l'ancien comité exécutif de la Ville de Montréal, le vérificateur a en effet constaté que le vérificateur interne de l'époque, Denis Savard, n'avait pas émis l'avis tel que stipulé dans les résolutions transmises au conseil municipal. Aujourd'hui, M. Savard a quitté ses fonctions de vérificateur interne pour se joindre à l'équipe du vérificateur général.

Mais à l'époque, M. Savard travaillait sous l'égide de Claude Léger, ancien directeur général de la Ville, qui a dû se résoudre à quitter ses fonctions au lendemain du dévoilement du rapport du vérificateur général. L'un des scénarios envisagés est que Denis Savard n'aurait jamais reçu le mandat du directeur général afin d'émettre un avis de conformité.

Le vérificateur général doit aussi dévoiler ses conclusions sur la «neutralité» du processus de qualifications, qui, selon des documents officiels, devait se dérouler «sous la supervision de la direction de l'approvisionnement et d'un observateur neutre», soit en la présence de Denis Savard. Ce comité, formé de cinq personnes dont les deux directeurs alors responsables du dossier, Louis Provencher et Jean-Pierre Pilon, avait la tâche d'évaluer les candidatures des entreprises privées.

Résiliation de plusieurs millions

La résiliation du controversé contrat de 356 millions, qui sera approuvée par les élus municipaux le 30 novembre prochain, comprend une clause de pénalité de 1%, soit environ 3,6 millions, qui sera versée au consortium GÉNIeau, formé des firmes Dessau et Simard-Beaudry. Des factures pour des travaux déjà amorcés, d'une valeur de plus de 100 000 $, devront aussi être payées.

Par ailleurs, les élus de l'administration Tremblay sont actuellement en train d'étudier une motion qui sera présentée par la chef de l'opposition officielle, Louise Harel, afin d'annuler également le contrat de services-conseils à la firme d'ingénierie BPR. La firme avait reçu des contrats de gestion du programme des compteurs d'eau de plusieurs millions par la Ville de Montréal pour superviser les aspects techniques.

Dans un article paru dans le Journal de Montréal, cette semaine, on apprend que la direction de BPR songe à entamer des recours légaux contre le vérificateur pour avoir soi-disant utilisé des données «dépassées et erronées» dans son enquête. BPR songerait aussi à entamer des poursuites contre Louise Harel parce qu'elle a dit que les élus ont été «trompés» par BPR, en avril 2009, lors d'une séance précédant le mandat d'enquête accordé au vérificateur général de Montréal.

«Ce qui est bizarre là-dedans, c'est que le Journal de Montréal a publié le contenu de la lettre avant même que le cabinet du maire ne la reçoive, en date du 19 novembre, dit Jacques Bergeron, vérificateur général de Montréal. On ne connaît pas les allégations, ni sur quoi elles se basent. C'est curieux, d'autant plus que la firme BPR avait demandé d'obtenir les conclusions de notre enquête avant le dépôt officiel au conseil municipal. Nous sommes choqués. On ne comprend pas ces agissements»

À noter que selon un article de la loi sur les Cités et Villes (107,16), il n'est pas possible d'entamer des poursuites contre un vérificateur général à moins de prouver qu'il agissait de mauvaise foi.

La firme BPR, qui indique sur son site qu'elle répond «aux interrogations des médias», n'a pas retourné les appels de La Presse, vendredi.