Un personnage clé apparaît dans l'affaire Mulroney-Schreiber: le lobbyiste Fred Doucet. L'homme d'affaires canado-allemand Karlheinz Schreiber affirme que c'est lui qui a organisé les transferts de fonds à l'ancien premier ministre Brian Mulroney. Or, M. Doucet a continué à jouer un rôle important auprès de membres influents du Parti conservateur, comme l'actuel ministre de la Défense, Peter MacKay.

Cette semaine, le premier ministre Stephen Harper a demandé aux membres de son cabinet de couper les liens avec M. Mulroney, le temps d'éclaircir l'affaire. Mais il ne leur a pas demandé de cesser d'avoir des relations avec Fred Doucet, qui en sait beaucoup sur cette affaire et qui a toujours ses entrées au gouvernement. L'année dernière, M. Doucet a fait du démarchage pour un important propriétaire immobilier d'Ottawa, Minto Developments Inc., pour louer un grand complexe au gouvernement fédéral. Il agit comme lobbyiste pour la compagnie PlanetSpace, qui propose de construire une rampe de lancement en Nouvelle-Écosse pour envoyer des touristes dans l'espace, avec une aide financière du gouvernement fédéral.

M. Doucet est inscrit au registre des lobbyistes pour sa propre firme, Fred Doucet Consulting International, et pour la firme Hillwatch inc. Parmi ses clients: Irving Shipbuilding, qui espère rafler le contrat de restauration des bateaux de la Garde côtière.

Dans une déclaration sous serment déposée la semaine dernière à la Cour supérieure de l'Ontario, Karlheinz Schreiber affirme que c'est Fred Doucet qui lui a proposé de transférer des fonds à l'avocat de M. Mulroney à Genève, en Suisse. Selon la déclaration, ces fonds devaient être versés en relation avec l'achat d'avions Airbus par Air Canada en 1988.

Toujours selon M. Schreiber, les fonds avaient d'abord été déposés dans une firme de lobbying nommée Government Consultants International, ou GCI. Cette firme avait été créée par Frank Moores, ancien premier ministre conservateur de Terre-Neuve. Le partenaire de M. Moores dans GCI était Gerry Doucet, le frère de Fred Doucet. Frank Moores avait été nommé au conseil d'administration d'Air Canada par le gouvernement Mulroney en 1985.

L'année dernière, Karlheinz Schreiber a déclaré que les trois versements de 100 000$ à M. Mulroney avaient été faits par l'entremise de Fred Doucet: «C'est arrivé par l'entremise de Fred Doucet, un proche de Mulroney, qui m'a dit: «Brian s'en va et, pour l'instant, il a des problèmes financiers» «, a dit M. Schreiber à la CBC.

Les affirmations de M. Schreiber n'ont pas été prouvées devant un tribunal. M. Mulroney nie que cet argent lui ait été donné en relation avec l'achat des Airbus. Fred Doucet, de son côté, a déjà nié les allégations faites par M. Schreiber. Il n'a pas rappelé La Presse.

Fred Doucet et son frère Gerry ont connu Brian Mulroney au collège St. Francis Xavier en Nouvelle-Écosse. Il est devenu son directeur de cabinet lorsque M. Mulroney était chef de l'opposition. Il a ensuite dirigé toutes les initiatives internationales de son cabinet de premier ministre.

De leur côté, Elmer MacKay, ancien ministre conservateur, et son fils Peter MacKay connaissent bien à la fois Fred Doucet et Karlheinz Schreiber, et cela depuis des années. M. Schreiber, qui faisait non seulement du lobbying pour la firme Airbus, mais aussi pour le fabricant d'armes allemand Thyssen, a réussi à faire embaucher Peter MacKay dans cette entreprise en Allemagne, pendant plusieurs mois en 1992.

En 2003, Fred Doucet était membre de l'équipe de Peter MacKay lors de la course à la direction du Parti progressiste-conservateur. Élu chef, Peter MacKay a ensuite conclu une entente avec Stephen Harper pour créer le Parti conservateur. Il a permis à son père d'utiliser le fax de son bureau pour envoyer une lettre à la GRC prenant la défense de M. Schreiber.

Selon la chronique mondaine du Ottawa Citizen, Fred Doucet a organisé un événement mondain pour son client «4 Copas» à Ottawa il y a deux ans. Parmi les invités de marque se trouvait Phil Murphy, alors chef de cabinet de M. Harper.