La loi antidéficit a beau avoir été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre 1996, elle n'a pas empêché le gouvernement de faire des déficits à 11 reprises depuis son adoption, dont 6 de suite depuis 2008-2009.

Malgré ses limites évidentes, la loi est toujours nécessaire, mais l'idée d'y donner plus de pouvoir est à envisager.

À la veille du dépôt d'un nouveau budget, La Presse Affaires a demandé l'avis sur cette question à des économistes, un fiscaliste et deux anciens titulaires du ministère des Finances.

«C'est ce qu'il fallait faire»

La loi sur l'équilibre budgétaire, «c'est ce qu'il fallait faire», soutient Bernard Landry, ministre provincial des Finances à l'époque de l'adoption de la loi. Il était à la barre quand le gouvernement du Québec a réalisé un premier surplus budgétaire en 40 ans, lors de l'exercice 1998-1999.

Il a peine à imaginer dans quel état se retrouveraient aujourd'hui les finances du Québec sans cette loi.

Pour sa part, Luc Godbout, directeur du département de fiscalité de l'Université de Sherbrooke, croit que l'apport le plus important de la loi antidéficit a été de forcer les gouvernements successifs à Québec à atteindre l'équilibre budgétaire quand la croissance économique est au rendez-vous. Une discipline qui a échappé à des pays comme la Grèce ou la France, qui ont enregistré déficit par-dessus déficit depuis 1997.

Le professeur donne l'exemple des agences de notation. Avant la loi sur l'équilibre budgétaire, l'agence Moody's a décoté la dette du Québec deux fois et a menacé de la décoter une troisième fois.

Depuis la loi, Moody's a augmenté la cote de crédit du Québec trois fois, d'abord en 2001 et à deux reprises en 2006.

Des déficits à répétition depuis la récession

«La loi a assez bien fonctionné de 1996 à 2008», dit M. Godbout, avant d'ajouter: «jusqu'au moment où l'on a eu besoin de la suspendre».

Quand la récession a frappé, le gouvernement a en effet suspendu, de mars 2009 à mars 2013, les dispositions de la loi qui empêchent de réaliser un déficit.

«On a une loi sur papier, mais le gouvernement est capable de ne pas la respecter», dit Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst & Young, peu impressionné par les résultats.

Le gouvernement du Parti québécois a annoncé l'automne dernier qu'il reportait d'un an l'atteinte du déficit zéro, d'abord prévu en 2013-2014, ce qui implique un nouveau changement à la loi.

«La loi sur l'équilibre budgétaire sera modifiée (lors de la mise en oeuvre du budget 2014-2015) pour établir les objectifs visés de déficit», lisait-on en novembre dernier dans la mise à jour sur la situation économique et financière du Québec.

Ces modifications successives affaiblissent la portée de la loi, d'après Michel Audet, ministre des Finances de 2005 à 2007 sous le gouvernement de Jean Charest et aujourd'hui administrateur de sociétés.

«[Au gré des amendements], il y a une marge de manoeuvre politique qui s'est dégagée et c'est dommage, déplore-t-il. La loi, c'était et c'est toujours une façon de contraindre l'État de vivre selon ses moyens», dit celui qui parle d'expérience, puisqu'il a eu à préparer des budgets en ayant à l'esprit le respect de la loi antidéficit.

Il souhaiterait maintenant qu'une commission parlementaire étudie les façons de rendre plus efficace la loi.

Pour d'autres, comme Yves St-Maurice, économiste en chef adjoint au Mouvement Desjardins, la loi, malgré ses défauts, garde sa raison d'être. «Si le gouvernement obtient l'équilibre budgétaire en 2015-2016, il n'y a pas nécessairement lieu de changer la loi», dit-il.

Depuis 1996

Adoptée le 19 décembre 1996, la loi qui s'appelait alors Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire prévoyait l'atteinte du déficit zéro en trois ans. Finalement, le gouvernement a réussi à présenter un premier surplus budgétaire un an plus tôt que prévu, lors de l'exercice financier 1998-1999.