Contrairement aux dernières semaines où il a multiplié les déclarations fracassantes sur la nomination des juges, l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare s'est fait avare de commentaires, mardi, après la mise en place d'une enquête publique qui examinera ses allégations.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, M. Bellemare a ainsi refusé toute invitation à s'exprimer sur ce sujet, épousant en quelque sorte la même position que le premier ministre Jean Charest face aux questions de l'opposition.

L'ex-ministre a justifié son mutisme en affirmant qu'il réserve désormais ses commentaires à la commission d'enquête présidée par l'ex-juge Michel Bastarache, mandatée par M. Charest la semaine dernière pour faire la lumière sur ses allégations de trafic d'influence dans la nomination de la magistrature.

«Peut-être que je serai appelé à témoigner devant cette commission, alors je ne peux pas commenter, a-t-il dit. Avant c'était possible, mais maintenant au point où c'en est rendu, ce n'est pas le temps de faire des remarques.»

M. Bellemare, qui s'exprimait publiquement pour la première fois depuis la nomination de M. Bastarache, n'a pas voulu faire connaître ses intentions face à la commission d'enquête, dont les travaux doivent commencer prochainement.

«S'il (M. Bastarache) me convoque, je verrai à ce moment-là, a-t-il dit. On n'est pas rendus là. Je n'ai reçu aucune assignation de personne.»

La semaine dernière, avant la nomination de M. Bastarache, M. Bellemare avait affirmé qu'une commission d'enquête se limitant à la nomination des juges ne serait qu'un écran de fumée.

L'ex-ministre, qui a fait partie du gouvernement durant un an, jusqu'en avril 2004, avait estimé que le premier ministre Jean Charest ferait fausse route avec un mandat aussi étroit, suggérant qu'il devrait plutôt porter sur l'ensemble des nominations gouvernementales.

Depuis un mois, M. Bellemare a multiplié les interventions publiques, dans un lent crescendo qui a finalement forcé M. Charest à mandater une commission d'enquête sur la façon dont le gouvernement procède pour choisir la magistrature.

Lors d'entrevues avec les médias, M. Bellemare a lancé une véritable bombe en affirmant qu'il avait été l'objet de pressions de la part de collecteurs de fonds libéraux afin de retenir la candidature de certains avocats pour des postes de juges.

La fin de semaine dernière a été éprouvante pour le gouvernement, à la suite des contradictions de M. Charest et de l'actuelle ministre de la Justice, Kathleen Weil, concernant la confidentialité des candidatures à la magistrature.

Mme Weil a ainsi affirmé qu'elle consultait M. Charest avant de faire son choix, ce qui a fait sursauter l'opposition, selon qui le ministre de la Justice a toujours été le seul à connaître les noms des aspirants juges.

Quelques jours plus tôt, M. Charest avait pourtant assuré que le processus était demeuré le même qu'avant l'élection des libéraux, en 2003.

Mardi, encore là, M. Bellemare n'a rien voulu dire de plus sur ce sujet, tout comme il a refusé de discuter d'une éventuelle déposition à la Sûreté du Québec, tel que rapporté dans les médias la semaine dernière.

En Chambre, les libéraux ont observé la même stratégie d'évitement que la fin de semaine dernière, en affirmant que toutes les questions reliées au processus de nomination des juges relèvent désormais de la commission Bastarache.

M. Charest a ainsi refusé de dire à l'opposition adéquiste quelle procédure sera observée d'ici le dépôt du rapport de M. Bastarache, prévu en octobre.

«On a mis sur pied la commission Bastarache justement pour que nous puissions répondre à ces questions-là et le faire dans un contexte où on le fera de manière ordonnée, et qu'on puisse arriver aux bonnes réponses, entendre tous ceux et celles qui s'intéressent à cette affaire-là», a-t-il dit.

Face aux assauts du Parti québécois, Mme Weil a elle-aussi inlassablement répété la même réponse.