La décision de l'Université McGill de privatiser entièrement son programme de MBA a, au cours des dernières semaines, provoqué un important débat. Au-delà de la commotion initiale, cette décision a le mérite de susciter une réflexion profonde et plus que nécessaire sur le financement des universités.

L'Université de Montréal, HEC Montréal et l'École Polytechnique constituent le plus important pôle universitaire francophone au Canada et l'un des plus importants et prestigieux au monde. Nous sommes déterminés à offrir aux Québécois des programmes qui n'ont rien à envier à ceux offerts ailleurs au Canada et dans le monde. Mais si les ressources dont disposent nos établissements continuent de stagner, pendant que celles des établissements comparables augmentent rapidement, c'est notre réputation et nos classements qui en souffriront.

Dans le domaine de la gestion, HEC Montréal est fière que la qualité de ses programmes soit aujourd'hui mondialement reconnue par les classements de Business Week, de Forbes et du Financial Times. Et elle s'enorgueillit d'être l'une de deux seules institutions au Canada à détenir les trois plus prestigieux agréments internationaux du domaine de la gestion (AACSB, EQUIS, AMBA).

Pourtant, comme dirigeants universitaires, nous estimons qu'il est de notre devoir de souligner la fragilité de ces acquis, pas uniquement en gestion, mais dans tous les domaines de l'enseignement supérieur. La qualité et l'excellence ont un prix. Il est illusoire de s'imaginer que nous pourrons, au Québec, maintenir ou acquérir un leadership dans l'économie du savoir sans que nos universités disposent des ressources nécessaires.

Or, si jusqu'à présent nos trois institutions universitaires se sont positionnées parmi les meilleures au monde, c'est que la formation et la recherche de qualité qui se font dans nos murs sont le résultat de sacrifices, de travail, de détermination et d'ingéniosité. Elles sont aussi le fruit de la générosité de notre communauté, notamment de nos diplômés. Il est bon de rappeler que cette position enviable est également permise par le soutien financier du gouvernement du Québec, qui se compare par ailleurs favorablement à celui reçu par les autres universités canadiennes.

C'est la faiblesse des droits de scolarité au Québec, et le fait que le gouvernement du Québec ne puisse la compenser, qui pose problème. Dans plusieurs domaines, les droits de scolarité au 1er ou au 2e cycle sont inférieurs de moitié et même davantage à ceux en vigueur ailleurs au Canada; ainsi, les universités québécoises disposent d'un soutien financier total par étudiant bien inférieur à celui dont jouissent les universités canadiennes hors Québec.

C'est dans ce contexte que l'Université McGill a annoncé son intention de «privatiser» son programme de MBA. Le débat que cette annonce a suscité s'articule autour des deux valeurs fondamentales de l'enseignement supérieur au Québec: la qualité des programmes et l'accessibilité aux études.

Sur le plan de la qualité, nous faisons valoir qu'il est illusoire et dangereux de prétendre que nos universités pourront adhérer aux plus hautes normes de qualité si elles ne disposent pas des ressources nécessaires.

Sur le plan de l'accessibilité et de l'équité, il est essentiel que les pistes de solution fassent intervenir une augmentation de l'aide financière. Une hausse des droits de scolarité, assortie d'un mécanisme d'aide financière aux étudiants qui en auraient besoin, ne compromettrait aucunement l'accessibilité aux études, mais permettrait en revanche de maintenir l'accès à des études d'une qualité de niveau international.

Nous sommes convaincus que de nombreuses pistes de solution peuvent et doivent être envisagées. C'est dans cet esprit que nous souhaitons que les dirigeants des universités, les étudiants et le gouvernement engagent un dialogue constructif et ouvert sur la question des droits de scolarité. Le gouvernement du Québec a déjà annoncé son intention de tenir un tel dialogue cet automne et nous nous en réjouissons.

Les défis auxquels nous faisons face sont imposants. Nous sommes déterminés à les relever comme nos trois institutions l'ont fait avec succès depuis plus de 100 ans.