La plupart du temps, nous portons le fardeau des décisions inefficaces de nos gouvernements. Toutefois, nous avons le privilège d'habiter un pays frontalier des États-Unis et cette proximité nous protège souvent des décisions douteuses de nos propres pouvoirs publics.

La saga Dorval-Mirabel sur la localisation de l'aéroport de Montréal (ADM) illustre bien le phénomène. Depuis 40 ans, l'enchaînement de décisions à «caractère politique» coûte cher aux Québécois. Certains estiment que les voyageurs québécois doivent parfois payer leur billet d'avion deux fois plus cher du seul fait de partir de l'aéroport Montréal-Trudeau.

Mais la fin de la récréation vient de sonner! Les Américains viennent à notre rescousse pour nous protéger des abus de nos décideurs. Nous pouvons dorénavant compter sur Burlington et Plattsburgh pour échapper aux effets néfastes de plusieurs décennies de mauvaises décisions en matière de localisation et d'aménagement de l'aéroport de Montréal.

Aujourd'hui, de plus en plus de voyageurs québécois franchissent les frontières pour bénéficier de l'efficacité de nos voisins. La Presse Affaires rapportait récemment que 75 % de la clientèle de l'aéroport de Plattsburgh, soit 55 000 passagers, provenait de la grande région de Montréal. À Burlington, on estime le nombre de passagers québécois à près de 600 000 par année.

Pour l'instant, l'exode des voyageurs vers les États-Unis est marginal par rapport aux 12 millions de passagers qui fréquentent Montréal-Trudeau. Mais les Américains sont agressifs. Ils ont réalisé l'ampleur de notre inefficacité et ils investissent massivement dans la promotion et l'amélioration des services aéroportuaires pour les Montréalais. Plattsburgh se décrit même comme «l'Aéroport américain de Montréal»: tarifs alléchants, stationnement gratuit et... affichage en français.

Aveuglé par sa traditionnelle position de monopole, Aéroports de Montréal (ADM) réagit à cette nouvelle concurrence par une augmentation de taxes. Arguant un service sur la dette croissant, des taxes municipales et un loyer fédéral trop onéreux, ADM annonce pour avril 2010 une majoration des frais aéroportuaires de 20$ à 25$ par personne.

Telle l'autruche, ADM feint d'ignorer que les voyageurs québécois en ont assez d'utiliser leur salaire, déjà lourdement taxé, pour payer d'autres taxes qu'on aura pris soin de surtaxer au passage. Si le consommateur de voyage percevait un si grand bénéfice à fréquenter Montréal-Trudeau, il ne sentirait pas le besoin de s'offrir un contrôle douanier et plus de 100 kilomètres de route pour se rendre à Burlington et Plattsburgh.

En réalité, la protection des consommateurs québécois de voyage passe aujourd'hui par nos voisins américains. Pourquoi ? Tout simplement parce que nos gouvernements ne peuvent influencer les prix à l'extérieur des frontières.

À vouloir imposer aux Québécois des décisions politiques inefficaces, que l'on doit financer au moyen de taxes et de contrôles toujours plus lourds, les pouvoirs publics ont incité les Québécois à voter par leurs jambes. Une prédiction? Ce mouvement ne s'estompera pas et les voyagistes emboîteront bientôt le pas.

La grande vertu de cette nouvelle concurrence américaine, c'est qu'elle forcera éventuellement nos décideurs à cesser de faire «de la petite politique» sur les dos des contribuables. À moins bien sûr qu'on trouve un moyen de restreindre nos libertés individuelles en adoptant des lois ou règlements nous empêchant d'aller prendre l'avion chez nos voisins.

Bref, pour l'économiste des choix publics, la concurrence limite le pouvoir de taxation et atténue les tentations spoliatrices des pouvoirs publics. Aussi, le jour où Montréal offrira des services aéroportuaires efficaces et concurrentiels, nous devrons remercier les Américains d'avoir fait cesser la gestion abusive de nos gouvernements en matière d'installations aéroportuaires. En attendant, si j'avais les ailes d'un ange, je partirais pour... Plattsburgh!