Alors que Vincent Lacroix, principal auteur de la plus importante fraude financière de l'histoire du Québec, sort de prison moins d'un an et demi après sa condamnation à huit ans et demi de prison, le gouvernement du Québec part en croisade contre la volonté centralisatrice du gouvernement fédéral d'imposer une agence pancanadienne des valeurs mobilières.

Le timing fait parfois drôlement les choses en politique et disons que le scandale Norbourg ne pouvait trouver pire moment pour faire les manchettes et venir ainsi discréditer le gouvernement de Jean Charest dans sa bataille contre l'intention d'Ottawa de réglementer le commerce des valeurs mobilières.

 

Avant de donner au gouvernement du Québec le chèque en blanc qu'il réclame, il importe de rappeler le rôle qu'il a joué dans l'affaire Norbourg afin d'évaluer s'il est digne de confiance en matière de protection des investisseurs. À au moins trois reprises, le gouvernement du Québec s'est par le passé fait complice, volontairement ou non, de Vincent Lacroix.

Le 28 mars 2001, la Commission des valeurs mobilières du Québec autorise la création de six fonds communs de placement Norbourg. Ces fonds seront autorisés par un certain Éric Asselin, alors enquêteur attitré de la CVMQ qui deviendra par la suite, comme par hasard, vice-président finances de Norbourg. Pourtant, le directeur des inscriptions et de la conformité de la CVMQ, Jean Lorrain, s'opposait à cette autorisation et souhaitait même fermer Norbourg. Pour des raisons encore obscures, c'est la recommandation de l'employé junior qui sera approuvée.

Le 9 novembre 2001, le ministère des Finances, alors que Pauline Marois est ministre en titre, envoie un généreux chèque de 991 628$ à Norbourg. Vincent Lacroix avouera candidement à son procès avoir versé un pot-de-vin de 100 000$ au fonctionnaire Jean Renaud pour obtenir le plus important chèque jamais octroyé dans le cadre de ce programme. Sans ce chèque, Norbourg aurait probablement été acculé à la faillite. Après avoir rempli tous les formulaires pour obtenir ce chèque et transmis la demande à ses supérieurs aux Finances, Jean Renaud prendra un congé sans solde du ministère pour travailler comme consultant de Norbourg et obtenir 460 000$ pour ses services.

Le 13 janvier 2004, la Caisse de dépôt et placements du Québec vend les fonds Évolution à Norbourg. Normalement, une telle transaction est gelée pour 60 jours. Exceptionnellement, l'Autorité des marchés financiers ramène ce gel à 35 jours, ce qui donne moins de temps aux investisseurs pour prendre une décision éclairée et se délester de leurs fonds. Norbourg mettait ainsi la main sur 132 millions de liquidités.

Parce qu'il s'entête encore aujourd'hui à refuser la mise sur pied d'une commission d'enquête publique sur le scandale Norbourg, le gouvernement Charest donne malheureusement raison au gouvernement fédéral de vouloir venir protéger les petits épargnants québécois avec une agence pancanadienne.

Si la crise économique mondiale a, selon certains, fait ressortir la nécessité de resserrer la réglementation en matière de valeurs mobilières, la libération de Vincent Lacroix met bien en lumière la potentielle incapacité du gouvernement du Québec à assumer cette responsabilité.

Neuf mille deux cents petits épargnants floués par Norbourg veulent et doivent savoir si Vincent Lacroix jouissait de la complicité du gouvernement du Québec. Avant de demander à la population, au nom du nationalisme québécois, de l'aider à freiner les volontés centralisatrices d'Ottawa en matière de réglementation des marchés financiers, le gouvernement Charest devrait montrer qu'il n'a rien à se reprocher dans ce détournement de 130 millions.

Ce ne sont pas des compétences du gouvernement du Québec en matière constitutionnelle dont les petits épargnants veulent entendre parler, mais plutôt la compétence de ce même gouvernement à réglementer les marchés financiers pour nous protéger des escrocs comme Vincent Lacroix.

L'auteur a été conseiller de Mario Dumont, alors chef de l'ADQ, de 2003 à 2008.