Il est certain que l'expérience vécue par M. Jean-Marc Leduc (La Presse, 8 juillet) au chevet de son frère a été très pénible. Ses propos en témoignent. «Mon frère... agonie de plusieurs jours, ... mort de soif, drogué à mort...»

La souffrance d'un être cher nous émeut, et parfois elle nous déchire. Bien souvent, c'est notre propre fin qui se dessine et s'y attache alors notre façon personnelle, voire unique, de juger les événements. Monsieur Leduc y vient lorsqu'il exprime que «l'idée de devoir me dégrader inexorablement et de ne plus pouvoir respirer» lui apparaît inacceptable au point de vouloir une anesthésie générale. Il refuse le traumatisme et l'angoisse de la mort. Il veut contrôler l'issue finale.

 

Ce refus de la souffrance est exprimé par plusieurs. On peut se demander si ce n'est pas aussi un refus de la vie. Qui n'a pas souffert durant son périple? Souffrir n'est-il pas devoir s'ajuster à la différence, au changement, au deuil et aux pertes qui surprennent, bouleversent et traversent inexorablement la vie? La mort n'est-elle pas la fin de ce voyage? Comment peut-on croire que partir, quitter tout, marcher vers l'ultime inconnu puisse être facile?

Au jour le jour, j'accompagne des malades qui quittent la vie et les déchirements sont inévitables. Cependant, il faut voir aussi l'apaisement de ces malades et de leurs proches lorsque leurs besoins sont entendus et reconnus. Petit à petit, malade et proches se remémorent les bons moments, échangent sur la beauté de la vie partagée, pleurent ensemble, certes, mais la sérénité qui s'installe fait du bien à chacun.

Certains, cependant, confrontés au choc de la mort qui frappe, vivent une souffrance tellement envahissante qu'un soulagement impérieux est exigé. Cette souffrance dite totale résiste parfois aux approches usuelles de soins. Sachons cependant qu'aucun malade n'y sera abandonné. À ce moment, il est possible d'endormir le malade sans effectivement remettre en cause les buts des soins palliatifs. Cette approche se nomme «sédation palliative» et elle correspond tout à fait au voeu émis par M. Leduc. J'espère donc que ces propos pourront l'informer et le rassurer.

Pour terminer, soulignons que les besoins en eau et en aliments en fin de vie sont minimes. Peu s'en plaignent. Quant à l'agonie, disons que quitter le corps se déroule naturellement et généralement de la même manière. La coloration de la peau change, la respiration s'embarrasse, devient plus superficielle, des râles apparaissent, des pauses respiratoires s'installent, les yeux sont souvent entrouverts, le coeur ralentit, la respiration cesse. C'est le silence.

L'auteure est médecin et travaille en soins palliatifs.