Mario, c'est mon père depuis 49 ans. Il s'est pas mal magané avec les années, mais c'est un bon diable.

Depuis déjà une dizaine d'années, il fait des séjours à l'hôpital pour différents problèmes qui, hélas! ne s'améliorent pas avec le temps. Sa conjointe, ma mère, s'en occupe du mieux qu'elle peut depuis toutes ces années. On appelle ça une aidante naturelle... Évidemment, on tient pour acquis que c'est naturel de s'occuper d'un conjoint malade. Quand ça commence à moins bien aller pour l'aidant, c'est à ce moment que les problèmes commencent.

 

Mario est à l'hôpital depuis trois mois. C'est certain qu'il ne reviendra plus à la maison, sinon ma mère va y passer. Alors, on enclenche le processus de placement: la paperasse, le certificat d'inaptitude, la demande d'exonération - parce qu'ils ne sont pas riches, ils n'ont que les pensions de p'tits vieux comme on les appelle.

Et voilà, qu'en plus de dire à l'homme de ta vie, après 56 ans de vie commune, que vous ne vivrez plus jamais avec lui, vous devez lui payer un loyer de 1400$ par mois à l'hôpital. Et à ce prix, la télévision n'est pas incluse. Comme c'est son seul loisir, on doit alors ajouter un beau 300$, ce qui constitue selon moi une arnaque! Et, si vous oubliez de payer une journée, on vous coupe le câble!

On lui a donc promis que très bientôt, il vivra dans un autre endroit où il pourra apporter sa propre télé et manger mieux. À l'hôpital, une assiette doit coûter 56 cents, alors imaginez ce qu'il y a dedans! Le préposé nous a même carrément dit de lui apporter ses repas et de les mettre dans le frigo; il offrait de les réchauffer.

L'appel tant attendu est arrivé: «Monsieur, on a une place pour vous au Pavillon Rosemont, vous allez être bien mieux.»

Horreur ou erreur? C'est dix fois pire qu'à l'hôpital. Un véritable mouroir, comme le dit ma mère. Mon père a un fantasme depuis hier: monter sur le toit et voler comme un oiseau! Il a encore toute sa tête, mais le coeur n'y est plus. Peut-on le blâmer?

À qui s'adresser pour régler la situation? Les infirmiers et infirmières en ont plein les bras! Les médecins font probablement de leur mieux. Les travailleurs sociaux? En trois mois, on en a passé quatre. Le premier ministre? J.E.? Barack Obama?

Dites-le-moi, je vous en prie, pour que je puisse sauver mon Mario!

Je prie, papa, pour qu'on vienne te chercher de là-haut.

Jacinthe Bastien

L'auteure habite Repentigny.