En clinique il y a quelques semaines, j'examinais un patient référé pour une douleur thoracique. Cet homme de 61 ans, cadre dans une grande entreprise, souffre de diabète depuis six ans. Même s'il prend consciencieusement ses nombreux médicaments, il ne suit aucune diète, ne fait pas d'exercice et s'intéresse peu au contrôle de sa maladie. En fait, il comprend mal les conséquences à long terme de son diabète.

Que ce soit le diabète, la maladie cardiaque ou la maladie d'Alzheimer, pour ne nommer que celles-là, les maladies chroniques sont en croissance. Elles représentent la toute première cause de mortalité dans le monde, causant jusqu'à 60% des décès. Le Québec n'échappe pas à cette réalité. L'augmentation de la prévalence de maladies chroniques pourrait même prendre des proportions inquiétantes avec le vieillissement accéléré de la population prévu d'ici 2030. Prévenir et traiter les maladies chroniques devient aujourd'hui un enjeu de société, un défi qui nous interpelle tous, autant le citoyen, le patient que le spécialiste et le pédagogue de la santé. Le défi est d'autant plus grand dans le contexte actuel de crise que traverse notre système de santé.

 

Les récentes recherches l'ont démontré, pour traiter efficacement les maladies chroniques afin de maintenir la qualité de vie de la personne atteinte et réduire le taux de morbidité, il faut regrouper nos forces. L'approche conventionnelle en santé ne suffit pas. La collaboration étroite et les actions concertées entre le patient, ses proches et les différents professionnels de la santé sont au coeur même de la solution. Il s'agit en fait d'un véritable travail d'équipe qui nécessite la participation du patient et un virage profond dans nos approches traditionnelles d'enseignement et de pratique en santé.

Les bénéfices de la collaboration entre professionnels de la santé sont admis de tous depuis déjà un bon moment. Mais comment en faire de facto la règle de pratique dans notre système de santé? La solution: changer nos méthodes d'enseignement pour véritablement intégrer ces nouveaux concepts et modifier l'organisation des milieux de pratique, en particulier en médecine familiale.

Une vaste réforme

À l'Université de Montréal, nous avons résolument pris ce virage et une vaste réforme pédagogique de nos programmes de santé est en cours. La formation en pratique collaborative interdisciplinaire pour l'ensemble de nos professionnels de la santé fait désormais partie intégrante de nos programmes d'enseignement. En effet, depuis quelques années, nos facultés de sciences infirmières, de pharmacie et de médecine (qui comprend, en plus de la médecine, les programmes d'audiologie, d'orthophonie, d'ergothérapie, de physiothérapie et de nutrition) ont entrepris ce virage éducatif majeur.

Au Québec, la réforme de nos milieux cliniques, entreprise il y a quelques années par le ministère de la Santé, s'inscrit parfaitement dans cette voie. En plus des 169 CLSC, le Ministère a soutenu le développement de groupes de médecine familiale (GMF), dont 178 sont déjà en place. À ces entités s'ajoutent 39 unités de médecine familiale (UMF), une quarantaine de centres universitaires de formation, en plus des nouvelles cliniques réseaux intégrées (CRI). Les structures se mettent donc en place pour offrir un réseau souple et efficace de services de santé à proximité de sa clientèle. Ce réseau nous offre l'environnement idéal pour implanter les nouvelles pratiques collaboratives, la stratégie gagnante pour contrer le phénomène de maladies chroniques. L'utilisation optimale de ces nouveaux milieux cliniques devrait grandement réduire la pression toujours croissante sur nos urgences.

L'auteur est cardiologue praticien et doyen de la faculté de médecine de l'Université de Montréal