Presque en catimini, après la clôture estivale des législatures, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a poussé plus loin son obstination à vouloir créer sa commission fédérale des valeurs mobilières. C'est faire preuve de beaucoup d'acharnement à vouloir réparer ce qui n'est pas brisé.

La crise financière actuelle a au moins eu le mérite de démontrer que le système financier canadien est robuste et que chacune des juridictions veille au grain. Il y aura toujours des améliorations à effectuer, nul n'est parfait, mais la dernière chose dont le milieu des affaires canadien a besoin, c'est d'une bataille de structures. Le geste est mauvais, le timing est affreux!

En plus de plaider studieusement sa compétence constitutionnelle (ce qui, ces temps-ci n'est pas un sujet pour faire lever les foules), le gouvernement du Québec doit voir plus loin et faire plus pour protéger non seulement sa compétence dans un secteur de forte influence pour sa croissance, mais pour garantir aux nombreuses personnes qui oeuvrent autour et alentour de l'Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) et de la Bourse de Montréal qu'ils pourront continuer d'exercer leur compétence professionnelle au Québec. La vigilance ne sera jamais assez grande en ces matières, il faut éviter d'être trop clément...

Prenons l'exemple récent de la prise de contrôle de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto (TMX). Malgré certaines recommandations de prudence qui lui ont été prodiguées, l'AMF autorisait l'an dernier cette transaction sans protéger adéquatement les pouvoirs du président de la Bourse de Montréal. Or, à partir de demain, ces pouvoirs seront grandement diminués. En effet, avec le remplacement de Luc Bertrand par Alain Miquelon, il faut constater que ce dernier n'aurait plus les pouvoirs de son prédécesseur. À moins d'avis contraire, le président de la Bourse de Montréal ne sera plus le numéro 2 de TMX, ni même l'un de ses administrateurs. Rien n'indique s'il sera ou non le président du conseil de la Bourse climatique de Montréal, ni le vice-président du conseil de la Bourse d'option de Boston. Bref, il sera probablement président d'une filiale ordinaire.

Bien évidemment dans ce cas, le transfert des pouvoirs de Montréal vers Toronto est dorénavant hors de portée des autorités québécoises, l'AMF n'ayant pas réclamé ces protections, même si elle en avait la juridiction. Mais, une chose est sûre, si cela avait relevé d'une autorité canadienne, le Québec n'y aurait rien gagné, d'où l'importance que l'autorité sur les marchés financiers demeure québécoise.

On peut penser que la stratégie fédérale visant à glaner ici et là des morceaux de compétence n'est pas à la veille de cesser, alors conservons au moins les outils à notre disposition pour veiller au grain et intervenir au besoin.

L'auteur est professeur associé à HEC Montréal.