Le 22 juin, Lise Bissonnette quittera la direction de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Sous sa gouverne, cette institution culturelle remarquable sera sortie de terre, aura pris son envol et sera rapidement devenue un chef de file non seulement dans les services de lecture publique, mais également dans la préservation de la mémoire littéraire et archivistique du Québec.

Au cours des récentes années, à titre de haut fonctionnaire au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, j'ai notamment eu la responsabilité de présider, au nom du gouvernement du Québec, le comité de suivi de la construction de la Grande Bibliothèque pendant toutes les années des travaux.

J'ai également été associé de près au projet de fusion de la Bibliothèque nationale et de la Grande Bibliothèque et, par la suite, à celui de la fusion des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale. Beaubourg à Paris, son ancêtre, la Kulturhuset à Stockholm, la Pyramide du Louvre, l'Opéra Bastille, La Villette, Orsay, le Musée de la civilisation à Québec, tous ces projets ont connu ce climat d'effervescence intellectuelle et de passion parfois doctrinaire.

Il fallait une personnalité forte pour permettre à BAnQ d'éclore et de se déployer aussi majestueusement. Le choix de Lise Bissonnette, proposé par Louise Beaudoin et Lucien Bouchard, a été des plus judicieux. Sa vigueur intellectuelle, son amour des livres, sa maîtrise de la gestion apprise au Devoir, sa capacité de rassembler et de porter haut le projet depuis le concours international d'architecture jusqu'au mode d'organisation des services à l'intérieur de l'institution, sans compter la maîtrise d'oeuvre de la construction, ont permis cette réalisation. Au moment de l'ouverture, le premier ministre Jean Charest et la ministre de la Culture et des Communications d'alors, Line Beauchamp, avaient à leur tour témoigné de cette réussite.

Nous pouvions palper, ce jour-là, non seulement la fierté du gouvernement, mais également le profond engagement du personnel de la maison et l'immense respect pour leur présidente-directrice générale. Depuis, le haut niveau de fréquentation de l'établissement de la rue Berri et l'assiduité du contact en ligne sont la preuve indéniable de cette réussite. Nous savons d'expérience que la fréquentation par les citoyens et leurs témoignages d'appréciation constituent la jauge principale d'évaluation de la qualité de l'institution.

Les débats que nous avons pu avoir au cours des multiples réunions du comité de suivi, la rigueur que nous nous sommes mutuellement imposée ainsi que le respect des coûts n'ont pas entaché les échanges fréquents que nous avons eus Mme Bissonnette et moi, tant à la table du comité que face à face, sur la conception, l'organisation et le rayonnement de cette institution.

Autant le Musée de la civilisation du Québec a su incarner une muséo-pédagogie originale qui a fait son succès auprès des publics, sans jamais sacrifier à la rigueur du discours, autant la Grande Bibliothèque fait montre d'une biblio-pédagogie comparable par son architecture, l'organisation et la diversité de ses services, sa conception de l'action culturelle, son rapport aux publics, son pouvoir de rayonnement, le tout porté désormais par un formidable sentiment d'appartenance et de fierté des citoyens.

Les institutions culturelles modernes doivent savoir allier créativité, technologie, médiation, respect des publics, intra et extra muros. Dans le contexte actuel des changements qui surviennent dans la réalité culturelle et qui questionnent les politiques culturelles publiques, le rôle des grandes institutions est parfois remis en cause. C'est pourquoi cette muséo-pédagogie ou cette biblio-pédagogie constituent un effort de renouvellement et de médiation qui est à la fois rafraîchissant et rassurant.

L'équipe de la BAnQ incarne quotidiennement cet état d'esprit et le gouvernement a su y consentir les moyens appropriés à sa mission.

Bravo à Lise Bissonnette d'avoir assumé le leadership requis pour faire naître non seulement un semblable écrin culturel, mais également un phare dans la cité.

Aujourd'hui retraité du service public, l'auteur a été sous-ministre adjoint au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, de 2000 à 2007.