Un virus comme le H1N1, c'est un être vivant plus malin qu'on le pense et qui peut nous réserver bien des surprises.

Le mois de juin est habituellement celui qui annonce l'été avec toutes ses couleurs et ses saveurs, certainement pas le moment de l'année où l'influenza et, a fortiori, une pandémie prend la tête d'affiche des journaux et des sites d'information sur Internet. Pourtant, avec la déclaration de l'OMS qui annonce de facto que nous vivons la première pandémie du siècle, une situation un peu surréaliste semble planer sur la ville.En premier lieu, le virus de l'influenza H1N1 attaquait initialement les enfants, les adolescents, les jeunes adultes, et reste dans ce groupe d'âge, hormis quelques exceptions, une maladie relativement bénigne. Lentement, inexorablement, le virus a fait tache d'huile sur la planète, affectant les deux hémisphères simultanément, et commence à se propager aux autres couches démographiques, incluant celles qui présentent des facteurs de risque en terme de complications.

Il n'y a certainement pas lieu de paniquer pour l'instant, de ne plus sortir, de cesser de travailler, de ne pas planter ses fleurs, d'éviter les endroits publics. Il faut simplement continuer de vivre, d'aller aux festivals qui jalonnent l'été québécois, d'envahir les terrasses de café et de planifier ses vacances.

Le temps travaille pour nous, un vaccin sera éventuellement disponible d'ici la fin de l'année, nous avons des médicaments très efficaces pour combattre le virus sous toutes ses formes, et surtout l'ennemi est bien identifié. Mieux encore, nous commençons à avoir une certaine expérience clinique avec ce virus, nous le rencontrons tous les jours plusieurs dizaines de fois, et rien ne vaut le fait d'aller au feu.

Au Canada, notre système de santé hospitalier se comporte au niveau 6 depuis plusieurs semaines déjà. L'incertitude vient d'ailleurs. L'annonce de l'OMS n'a pas apporté sur le terrain de changements notables dans notre façon de faire au niveau hospitalier, nous voyons simplement un nombre sans cesse accru de cas quotidiennement dont certains sont très sévères.

Que décideront les autres pays? Comment sera perçu un pays comme le nôtre qui compte en terme absolu plus de cas que l'ensemble de l'Europe? Avec une population 30 fois moindre, le Québec a répertorié deux fois plus de cas confirmés que la France, l'Allemagne et l'Italie réunies. L'approche a été différente entre le Canada et certaines autres zones géographiques qui ont adopté une approche plus agressive en terme d'isolement, de traitement, de prophylaxie et de quarantaine.

Le problème actuel au Québec est surtout urbain puisque Montréal semble être affectée de façon plus intense, et c'était attendu puisque les aires urbaines à haute densité de population sont certainement plus à risque de propagation. Les mouvements humains, plus nombreux, plus diversifiés, plus globaux sont certainement un facteur de risque.

Je ne pense pas que nous connaitrons des scènes dantesques dignes de «La peste» d'Albert Camus au Canada. Notre collectivité est équipée de moyens qui permettront avec le virus actuel d'en limiter les dégâts.

En fait, il y aura des pandémies avec des visages différents plutôt qu'une pandémie, selon que l'on vit dans un pays riche ou pauvre. La carte de distribution des cas de l'OMS illustre parfaitement cet état de fait. Il y a un grand trou béant de connaissances autour de l'Afrique, du Moyen-Orient, d'une grande partie de l'Asie, de l'Amérique centrale. Seuls quelques pays sentinelles comme l'Australie, Israël ou le Japon nous permettent de connaître la situation plus exhaustivement dans ces espaces géographiques clés.

Un virus, c'est un être vivant plus malin qu'on le pense, incontrôlable dans son évolution, qui peut nous réserver bien des surprises. Alarmé? Non, mais pas de complaisance et de nonchalance non plus.

Pour paraphraser Winston Churchill, il y aura malheureusement du sang et des larmes, on ne peut pas passer au travers d'une pandémie sans aucun dommage. Seul un travail coordonné entre les instances gouvernementales, les entreprises dont certaines ont déjà une préparation exemplaire, les travailleurs de la santé qui va falloir protéger à tout prix et la population québécoise dans son ensemble, nous permettra de limiter les impacts du virus.

L'auteur est professeur titulaire de clinique à la faculté de médecine de l'Université de Montréal et microbiologiste-infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.