La montagne est au coeur de la géographie, de l'histoire et de l'identité de Montréal à laquelle elle a donné son nom. Cet emblème extraordinaire est présent dans les débuts de Ville-Marie et dans l'oeuvre des Sulpiciens qui ont nommé leur domaine et leur fort en son honneur et l'ont représentée dans les vitraux de la basilique Notre-Dame.

Une première fois, elle fut protégée dans l'intérêt collectif par la création du parc du Mont-Royal inauguré en 1876 alors que les intérêts privés d'une ville en pleine expansion convoitaient ce territoire remarquable. Un siècle plus tard, la montagne était de nouveau menacée par les pressions d'institutions et de promoteurs. Les citoyens de Montréal se sont de nouveau mobilisés et, après 20 ans de luttes, ont obtenu une reconnaissance nationale exceptionnelle avec le classement du mont Royal comme arrondissement historique et naturel par le gouvernement du Québec en 2005.

 

Cette préoccupation enracinée dans une action citoyenne dure depuis près de 150 ans et a amené à plusieurs reprises les autorités de la Ville de Montréal et du gouvernement du Québec à agir en protecteurs du bien commun et du mont Royal. Pourtant, malgré cela, les promesses de protection ne sont pas tenues et Montréal s'apprête de nouveau à tuer ce qu'elle chérit le plus, sa montagne!

Après l'adoption d'un Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal par le conseil municipal de Montréal le mois dernier, la présente consultation publique devrait être l'occasion d'établir les principes, les règles et les limites qu'une protection véritable impose au développement d'un site patrimonial comme celui de l'ancien Séminaire de philosophie. Mais, nous voilà devant un fait accompli.

Le plus grand architecte canadien, feu Arthur Erickson, a dit qu'il n'y avait pas de fondement plus saisissant du sens de l'architecture que dans l'acte de placer une construction dans son contexte. Le projet qu'on nous présente ici est aux antipodes de ce principe. Il est tellement loin de respecter les lois du Québec et des règles que la Ville de Montréal doit honorer à la suite du classement de la montagne, tellement loin de l'hommage qu'il devrait rendre au mont Royal, tellement loin d'une reconnaissance de la distinction du voisinage où il s'insère avec cette remarquable alignement de maisons sur Cedar ou de l'ensemble des grands immeubles Trafalgar et Gleneagles (que nous avons aussi dû lutter pour les protéger d'un projet de tour résidentielle) et si loin d'un respect des panoramas et des vues publiques qu'il n'est pas recevable.

J'enjoins donc à la Commission consultative de recommander qu'il soit rejeté et qu'un processus soit engagé pour définir concrètement les règles de protection pour ce site et établir les limites acceptables de développement qui sauront assurer la pérennité de ce site aussi exceptionnel dans le cadre d'un projet qui réponde véritablement à cette mission fondamentale de lui donner un sens à travers l'acte d'y réaliser la construction qui, par son envergure et son architecture, lui convienne.

L'auteure est directrice fondateur et présidente du conseil des fiduciaires du Centre canadien d'architecture.