Je suis une intervenante sociale du centre jeunesse de Montréal avec 32 ans d'expérience à mon actif. Je suis syndiquée et j'assume un rôle de porte-parole syndicale dans l'établissement où je travaille. Lorsque j'ai lu les articles de MM. Dubuc et Picher traitant les employés syndiqués du gouvernement de «Martiens» dans leur critique sur les demandes syndicales faites dans le cadre des prochaines négociations de nos conditions de travail, je me suis sentie mal jugée et j'ai senti une forme de mépris dans leur ton.

Vous avez certainement droit à votre opinion. Mais le ton et le choix des mots ont une grande importance. Je suis certaine que vous avez conscience de cela.

 

Depuis plusieurs années, les employés de l'État ont reçu une augmentation salariale annuelle de 2% (avant impôts...) ou subi un gel salarial. Si on considère que l'indice du coût de la vie a augmenté de 2% et plus par année, ces travailleurs ont perdu, à chaque année, un peu de leur pouvoir d'achat. Si ces mêmes travailleurs continuent de fonctionner avec des gels de salaire certaines années en alternance avec une augmentation annuelle (donc moins que la hausse du coût de la vie), on peut parler d'un appauvrissement pour ces employés.

Parallèment, je tiens à vous préciser que la sécurité d'emploi n'est plus le problème dans les emplois gouvernementaux. En effet, dans les différents milieux de travail que sont les services publics, le problème majeur que l'employeur vit présentement et devra affronter dans les années à venir, c'est la pénurie et la rétention du personnel. Et croyez-moi, ce problème est criant. On manque de personnel dans tous les métiers et toutes les professions, ou presque.

L'impact se fait sentir auprès du personnel qui est en poste (surcharge de tâches, épuisement, stress au travail). D'où le problème de rétention: le personnel (surtout les jeunes employés) quitte le secteur public pour aller travailler ailleurs (lire le privé...). Et qu'est-ce qui arrive quand les services publics manquent de personnel de façon récurrente, d'après vous?

Rappelons-nous que les services publics offerts par l'État sont gratuits, donc accessibles à tous. On parle ici de la santé, de l'éducation, de services sociaux, de soins à domicile, d'hébergement adapté pour les personnes âgées et autres services. Ce ne sont donc pas, comme vous le dites, «ce rempart, ce sont les transferts, les programmes de soutien». Tout le monde sait que les hôpitaux manquent d'infirmières. Mais ce n'est pas tout le monde qui sait qu'il manque tout autant d'éducateurs et d'intervenants sociaux, de différents métiers dans les centres jeunesse, les CLSC, etc.

La grande séduction

Chez nous, au centre jeunesse de Montréal, il manque actuellement une vingtaine d'intervenants sociaux. La liste de rappel pour ces derniers et pour les éducateurs est régulièrement à sec. L'employeur recrute, fait de la grande séduction dans les maisons d'enseignement, mais le problème perdure. Ce problème s'aggrave lorsque l'on considère que dans les années qui viennent, beaucoup de ces employés du gouvernement vont quitter pour la retraite.

Si les services publics n'ont pas le personnel requis pour offrir des services adéquatement, c'est la population qui en subira les effets. Pas celle qui peut se payer des services au privé... l'autre. C'est dans cet esprit que l'on peut parler d'appauvrissement des services à la population.

Ce que nous souhaitons, c'est que nos conditions de travail attirent les jeunes travailleurs dans les services publics et qu'ils y soient suffisamment heureux pour avoir le goût d'y rester.

Derrière ces représentants syndicaux qui négocient pour nous, il y a tous ces travailleurs de l'État. Nous ne sommes pas des Martiens. Nous sommes fiers de travailler dans les services publics et ne sommes pas des abuseurs de systèmes, loin de là! Nous tenons à ce que les services de l'État attirent du personnel en qualité et en quantité suffisante. Nos conditions de travail sont liées à ces valeurs. Nous les négocierons dans le respect.

L'auteure est intervenante sociale au centre jeunesse de Montréal et porte-parole au Syndicat des travailleuses et des travailleurs du centre jeunesse de Montréal-CSN.