Le congrès de Vision Montréal qui se tiendra cette fin de semaine annonce le début de la campagne électorale municipale. Ces élections, qui promettent de se tenir sur fond de scandales et d'allégations de toutes sortes, ne doivent pas passer sous silence un enjeu encore plus fondamental: la déroute de la métropole.

Sur le plan économique par exemple, Montréal, comme toutes les villes du monde, souffre de la crise financière mondiale. Mais ici, il ne s'agit que de la cerise sur «des années de résultats décevants», pour citer le Conference Board du Canada. Dans son étude Metropolitain Outlook publiée récemment, l'organisme va jusqu'à prédire que Montréal se classera 12e sur... 13 pour sa croissance économique dans la décennie 2004-2013, une position désastreuse et honteuse pour notre ville qui était, il n'y a pas si longtemps, la locomotive du pays.

 

Montréal se retrouve également dans cette position de queue du peloton pour la majorité des autres indicateurs, qu'il s'agisse de la qualité de l'air ou du niveau de scolarisation de notre population. Seuls les indicateurs qui mesurent la vitalité culturelle nous favorisent - et là encore, on peut se demander pour combien de temps étant donné la vive concurrence que nous mènent des villes comme Toronto, et maintenant Québec.

Contrairement à certaines cités dont le déclin était l'inévitable conséquence de conditions externes - je pense par exemple à Venise qui a perdu sa suprématie après que la route mondiale du commerce se soit déplacée vers l'est au XVIe siècle - dans le cas de Montréal, il s'agit d'abord et avant tout de notre incapacité à nous mobiliser collectivement.

À cet égard, je ne sais ce qui fut la plus grande erreur entre la fusion, la défusion et la décentralisation subséquente de Montréal en 19 arrondissements. Ce que je sais, par contre, c'est que nous n'avons pas encore goûté aux réelles conséquences de ces décisions funestes.

On lit régulièrement dans les pages de ce journal des exemples qui nous démontrent que la métropole est ingouvernable et pourtant, 86 des 105 élus de la ville appartiennent à la même formation politique. Imaginez le foutoir total que sera Montréal lorsque plusieurs petits partis se partageront le contrôle des arrondissements et que le maire de la ville sera privé d'une majorité au conseil!

Ce scénario, qui pourrait survenir dès novembre 2009, accentuera par 1000 les travers de la décentralisation que nous percevons déjà, à savoir que les intérêts particuliers de chaque quartier priment sur les intérêts globaux de la métropole.

La mairie de New York et de Paris a souvent servi de tremplin pour les élus ambitionnant de diriger leur nation. Le fait qu'à Montréal, la mairie soit au contraire peu à peu devenue une sorte de sanatorium pour les députés de l'Assemblée nationale est à la fois la cause et la preuve que nous avons peu à peu abandonné l'idée que la mairie pouvait être le principal levier de développement de notre ville. Lorsque l'on sait le peu d'intérêt que portent les gouvernements du Québec et du Canada à l'égard de Montréal, il y a là matière à inquiétude.

Car si le déclin d'une ville, voire du plus petit village est toujours un spectacle affligeant, le déclin de Montréal entraînera forcément celui du Québec dans son ensemble. Que l'on aime ou non Montréal, qu'on jalouse la ville ou qu'on la méprise, c'est dans cette île que se jouent les grands enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés, qu'il s'agisse du développement économique du Québec ou de la francisation et l'intégration des immigrants, par exemple.

Si je prends la peine d'écrire ces lignes, c'est que je ne peux plus supporter le fait d'entendre de toute part des personnes qui partagent le constat que je viens de dresser sans toutefois sentir la nécessité d'investir le seul instrument qui puisse nous sortir de cette situation, soit de doter Montréal d'une gouvernance moderne et efficace. La mairie est un levier extrêmement puissant - il faut la sortir de sa léthargie.

Alors qu'aux dernières élections les signes du déclin étaient déjà nombreux, les deux tiers des électeurs ont décidé de se croiser les bras plutôt que d'aller voter. Durant la campagne électorale, le principal débat et les seuls émois tournaient autour du slogan «GO», plus ou moins acceptable en français. Si seuls les débats linguistiques peuvent encore nous secouer collectivement, je propose que tous les partis adoptent alors pour slogan des élections à venir: «WAKE UP!»

L'auteur est conseiller en relations publiques et a travaillé de 2006 à 2008 à la mairie de Montréal.