Monsieur le premier ministre; Madame la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport,

En 1995, jeune étudiant belge aux États-Unis, je terminais un PhD à l'Université Carnegie Mellon sous la direction de Finn Kydland, Prix Nobel 2004 de science économique. J'ai eu de nombreuses offres d'emploi, en Europe, aux États-Unis, au Canada. J'ai choisi l'UQAM.

Je l'ai fait parce que la réputation du département des sciences économiques y était excellente. Mon directeur de thèse était impressionné par la qualité de la recherche dans cette université. Depuis lors, je vois à chacun de mes voyages à quel point l'UQAM est reconnue à l'étranger et dans le reste du Canada. Je constate toutefois qu'il n'en est pas de même au Québec, où l'UQAM souffre d'un nombre important de préjugés que je ne m'explique pas.

 

Il est important que ces préjugés soient balayés. L'UQAM est de la trempe des très grandes universités. Pour la dernière année où des statistiques sont disponibles, soit 2007-2008, l'UQAM a terminé cinquième au Canada en terme du volume des subventions de recherche du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (le CRSH). Selon un classement récent, l'UQAM est première au Québec et sixième au Canada parmi les grandes universités à vocation générale, avec un montant annuel de subventions de recherche de 66 millions. L'UQAM dans son ensemble est donc incontestablement excellente. Pour certains départements, les classements sont encore meilleurs.

Pour attester de la formation des étudiants, je puis vous dire que les étudiants de doctorat et de maîtrise de l'UQAM en 2008-2009 ont terminé en deuxième position au Québec dans le concours de bourses du CRSH.

Pour ne citer qu'un exemple de l'excellence, au département des sciences économiques, un de nos finissants au doctorat, Nicolas Petrosky-Nadeau, vient d'accepter une offre d'emploi de l'Université Carnegie-Mellon, l'une des meilleures universités du monde, où l'ont précédé pas moins de cinq Prix Nobel dans la seule discipline économique. Aucun autre département de science économique au Québec n'a atteint un tel succès au cours des 30 dernières années.

Je me permets de vous écrire tout cela parce qu'une institution universitaire n'a de qualité que par la qualité de ses ressources humaines. Or, l'équilibre ici est fragile. Le rapport Aon l'a confirmé, les salaires des professeurs à l'UQAM sont au moins de 10% inférieurs à ceux offerts dans les autres universités du Québec. Avec l'Université McGill, la différence tend davantage vers les 15%. Il est clair que sans un rattrapage salarial, la qualité du corps professoral de l'UQAM va se dégrader. L'enjeu du rattrapage salarial est l'avenir même de l'institution. Les salaires que nous offrons aux professeurs ne sont simplement pas compétitifs. À terme, cela signifie des difficultés d'embauche et une vague de départs. S'il est extrêmement difficile de construire une institution de recherche, il est très facile de la détruire.

Les revendications salariales du syndicat des professeurs de l'UQAM sont très raisonnables. Au-delà des salaires, le syndicat demande également un accroissement significatif du nombre de professeurs. L'UQAM a présentement l'un des pires ratios professeurs-étudiants au Québec. L'investissement dans ces nouvelles ressources professorales est aussi très important pour la poursuite du développement de l'UQAM.

Nous le savons tous, l'UQAM n'a pas les moyens financiers de répondre aux demandes syndicales, pourtant parfaitement légitimes et raisonnables. Je ne vous apprendrai pas que l'UQAM souffre d'un certain sous-financement. L'enveloppe discrétionnaire du ministère de l'Éducation, octroyée sur une base historique, n'a jamais favorisé l'UQAM, pour des raisons qui m'échappent. C'est évidemment ici que se trouve la seule clef à cette impasse.

Je me permets de vous demander une correction de l'enveloppe discrétionnaire attribuée à l'UQAM qui nous permette de sortir de cette crise et d'assurer la pérennité de cette grande université. Le passé m'a montré que vous n'avez jamais manqué du courage nécessaire pour de telles décisions.

L'auteur est directeur du Département des sciences économiques à l'UQAM.