Tout le monde a entendu parler de l'accident épouvantable subi par un restaurateur du Vieux-Montréal qui a reçu un morceau de glace sur l'épaule. Depuis que je travaille dans ce quartier (1986), ces énormes stalactites qui pendent des gouttières sont considérées comme une fatalité. J'aurai mis 15 ans à convaincre mes copropriétaires que le problème avait une solution. Personne n'y croyait.

Tous les arguments bloquant les correctifs à apporter ont été invoqués. Même les compagnies d'assurances ont fait leur petite suggestion.

 

Pourtant, le problème est relativement simple. Le principe de formation de ces glaçons est connu: la neige qui se trouve sur un toit plus chaud que l'air ambiant fond et de la glace se forme plus loin au contact d'un matériau plus froid (gouttière). Si le toit est suffisamment ventilé et donc maintenu à la température extérieure, la neige ne fond pas comme on peut le remarquer si l'on observe les nombreuses marquises et les auvents de Montréal. Sous le soleil, la neige ne fond pas, elle se sublime, c'est-à-dire qu'elle passe directement de l'état solide à l'état gazeux (vapeur d'eau).

En général, si de la glace se forme, c'est que le soleil a chauffé le toit et donc que celui-ci n'est pas assez ventilé. Bien entendu, une petite quantité de glace peut toujours se former, même sous un toit ventilé, mais elle est négligeable. La formation de glace peut être réduite de 90%.

Certains feront le lien avec une expérience de physique qui consiste à poser un cube de glace sur un grillage (à une température inférieure à zéro degré): la glace, que l'on peut chauffer avec une lampe, fond, l'eau ainsi formée traverse le grillage et se reforme de l'autre côté. C'est exactement ce qui se passe sur les mansardes du Vieux-Montréal.

La solution, simple en principe, exige de reconstruire l'intérieur des mansardes de manière à les ventiler abondamment et à isoler la paroi intérieure des murs des habitations. D'une part, il s'agit de refroidir les mansardes en y faisant circuler l'air extérieur, et d'autre part, d'empêcher l'air chaud de l'intérieur de circuler sous le toit - et de rendre plus confortables les appartements du dernier étage!

Un architecte, Jozef Zorko, a déjà résolu des problèmes similaires à Montréal et l'expertise existe bien. C'est aussi la solution préconisée par Jacques Chartrand, associéà la firme Nicolet Chartrand Knoll.

Autrefois, comme me l'expliquait Jacques Chartrand, on réglait le problème radicalement: on rasait les mansardes, ce qui nous a donné les beaux toits plats de la rue Saint-Paul. «On va vous mettre ça propre», disaient alors les couvreurs.

Aujourd'hui, il est difficile de comprendre pourquoi nous n'agissons pas. Tôt ou tard, un glaçon tombé d'un quatrième étage tuera une personne. S'il faut développer le Vieux-Montréal, c'est par là qu'il faut commencer et s'il faut subventionner quelque chose, c'est cela qu'il faut subventionner en priorité.

L'auteur de la lettre de la semaine, Alain Cognard, recevra une copie laminée de cette page.

L'auteur habite le Vieux-Montréal.