Jean-François Harrisson, beau jeune comédien montréalais, aurait fait une bêtise. Une grosse bêtise. Il sera selon toute vraisemblance formellement accusé d'avoir eu en sa possession, en vue d'en faire la distribution, du matériel pornographique impliquant des enfants.

Si c'est avéré, c'est horrible et c'est poche pour un homme dont le talent n'a jamais semblé faire de doute, si on se fie à la multiplicité de chaînes télé qui l'employaient jusqu'à maintenant, et d'au moins un organisme communautaire pour jeunes qui l'avait associé à son image. Sans parler de sa mise en nomination récente pour un prochain gala d'artistes.

 

La suite est prévisible: tout ce beau monde l'a systématiquement lâché au prétexte qu'on ne souhaite évidemment pas être associé publiquement avec... comprenez... s'il fallait que le public croit que... notre mandat... que voulez-vous!

Et c'est ici que quelque chose ne va pas, ne va plus, quelque chose s'est brisé chez nous dans la grande paroisse du Québec et qu'on persiste à ne pas vouloir réparer. Quelque chose qui ressemblerait à de la résilience collective, une manière d'esprit d'équipe qui nous ferait nous serrer les coudes pour venir en aide à un des nôtres momentanément sans connaissance sur la patinoire.

Oui, c'est bien possible que Jean-François ait gaffé et, oui, ça risque d'être long et dur comme exorcisme. Même que, tout seul, ça peut et ça va être terriblement confrontant pour lui, voire décourageant, avec ces regards bien souvent fuyants des autres désormais, ou alors très soutenus, mais qui en disent long sur tout ce qu'il pourra dorénavant poser comme geste en public, avec ou sans jeunes enfants autour.

Et qui décidera du temps que durera la mise au ban après le temps passé au pen? La direction des médias qui le mettent actuellement K.-O.? Ça serait un moindre mal si une partie de cette télé qui l'a déjà condamné en le désavouant plus ou moins subtilement n'en faisait pas par ailleurs la une de ses feuilles de chou. On ne fait pas plus hypocrite.

Je ne connais pas Jean-François Harrisson, mais je sais que notre aide lui est nécessaire et que la dernière chose dont il a besoin en ce moment, c'est d'être rejeté. Rien de tel pour le faire se braquer et nier l'évidence sur les conseils de son avocat.

Si comme corps social évolué qui assume les individus qu'il met au monde, nous arrivions collectivement à l'aider à admettre, sans le juger, le mal relatif qu'il a pu commettre, à s'amender et à guérir de ce qui le tiraille par en dedans et pour lequel il aura besoin de soins, de compassion et d'amour soutenus, alors c'est lui qui nous aura aidés à cheminer vers notre propre guérison.

Qui brisera le tabou? Laquelle de toutes ces «propres sur leur personne» élites médiatiques qui ont le véritable pouvoir ici, osera s'avancer maintenant au micro pour affirmer devant un parterre tout à fait en âge de comprendre que nous ne pouvons pas être d'accord avec la bêtise d'un homme, mais que chacun a droit a l'erreur et que notre erreur dans ce cas-ci serait de le condamner, en plus, à l'errance.

Chiche!

Michel Mongeau

L'auteur est comédien.