Monsieur le ministre, j'ai besoin de votre aide pour mieux terminer ma vie, pour mieux mourir libre, en dignité et en fierté.

Je ne veux pas aller mourir à Zurich, en Suisse, chez Dignitas. Même si je veux de l'aide médicale pour mourir, je ne veux surtout pas mettre personne dans le trouble en m'aidant à partir de ce monde.

 

Je veux simplement que mes médecins me donnent les médicaments qu'il faut pour que mon coeur s'arrête, pour que mon agonie cesse, pour que ma vie se termine, pour que ça se passe bien, sans douleurs, à mon heure choisie. Comme ça se passe plutôt très bien en Oregon depuis plus de 10 années.

Je ne veux personne pour m'aider ou m'encourager à prendre ces médicaments terminaux. Ce que je veux, c'est d'être accompagné par un médecin et autres professionnels estimés, et par quelques proches. J'ai bien dit accompagné, pas aidé et pas encouragé. Je ne veux vraiment pas mettre personne en problèmes majeurs, mais je veux davantage de l'humain autour de moi, de la compassion, du respect de mon geste libre, celui de terminer mon agonie et de mettre fin à mes jours en ce monde.

Je suis né à Québec en 1942, et fier de l'être. J'ai vécu ici et là au Québec. J'ai pleinement vécu, sur tous les plans, et j'en suis fort satisfait et j'en remercie Dieu. Quelle vie j'ai eue! Avec des joies et des peines, elle a été très belle.

En 2003, me voici avec un cancer de la prostate, et tout un. PSA de 80. Pas opérable. Avec en prime le cancer des os à volonté. On me donnait un an à vivre; ça fait cinq années déjà! Je suis un «passé date», quoi! Mes os souffrent de plus en plus, et tout mon corps aussi! Les doses de médicaments augmentent. Mon goût de vivre diminue.

Même si, autour de moi, j'ai de bonnes personnes, de bons professionnels de la santé, un beau petit appartement à Québec, dans une résidence pour personnes très âgées, de beaux séjours dans un centre-jour de soins palliatifs, mourir trop longtemps et péniblement ne m'intéresse pas. Durant mes dernières années de maladie, j'en ai vu des mourants mourir péniblement, avec assez souvent une vie de fardeau pour eux-mêmes et pour les autres. Mourir comme ça, ça ne m'intéresse pas. Ça intéresse qui, au juste?

Je suis prêt pour l'autre vie, avec ceux qui m'aiment et que j'aime.

Je vous adresse une telle demande loin de la dépression; la pression me vient du comment je vais agoniser et du quand. Ma conscience? Je poserais une telle action terminale avec une grande paix dans ma conscience. Je suis un chrétien croyant. Je crois surtout que le Jésus que je connais et en qui je crois, s'il était encore ici, m'accompagnerait sans dire mot, avec une présence de compassion et avec un regard plein d'humanité et même de divinité. Pour mon entrée dans l'autre monde, je n'ai pas à me crucifier par une agonie douloureuse et peut-être ignoble. Crucifié, Jésus l'a été une fois, et c'est suffisant!

Je sais que depuis longtemps la population canadienne est très favorable à cette aide. Intervenez auprès d'Ottawa. Les Communes doivent cesser d'avoir peur. Faites pression pour que cette aide médicale de compassion ne soit plus un crime, tout en étant toujours très bien encadrée.

Vous savez, M. le Ministre, que des médecins québécois avouent secrètement aider activement des mourants à mourir. Il est à espérer que ceux qui le font ou qui veulent le faire s'unissent et s'affichent publiquement. Ces médecins ne sont pas et ne seront pas des assassins; ce sont des professionnels humains qui humanisent courageusement notre fin de vie. Ils méritent d'être mieux compris et soutenus par votre ministère et aussi par leur Collège.

Prendre une tonne de médicaments par jour devient lourd et écrasant à vivre. J'ai parfois l'impression que ma vie baigne dans le contre-nature. Je ne veux pas aller mourir en Suisse, comme ont dû le faire deux Canadiennes, Manon Brunelle de Montréal et Elizabeth MacDonald d'Halifax, il y a moins de cinq ans.

Au moment final, lors du début intense de mon agonie, je veux qu'un médecin m'aide à mourir dignement, en m'apportant le médicament du grand départ, au jour de mon choix, au lieu choisi, accompagné dans une douce et respectueuse compassion. En terminant ainsi ma vie, je partirai le coeur comblé, l'esprit en paix et ma vie satisfaite. Debout, je mourrai!

Ne m'obligeons pas à aller mourir en Suisse. Ce serait honteux. Pour tous. Aidez-moi à mourir dans la fierté! Ici, au Québec.

André Dion

L'auteur demeure à Québec. Voici des extraits d'une lettre qu'il a fait parvenir au ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc.