Qu'une partie de la colline parlementaire à Québec soit propriété de l'État fédéral est une aberration que l'ancien ministre Benoît Pelletier avait raison de vouloir corriger. Il faut que ceux qui sont aujourd'hui en charge de ce dossier, à Québec et à Ottawa, le règle et le règle rapidement.

Par contre, profiter de cette affaire et de la crise entourant le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham pour attaquer la légitimité de la présence fédérale à Québec, relève d'une stratégie politique qui a au moins le mérite d'être parfaitement transparente.

 

Cette stratégie consiste à présenter le gouvernement fédéral comme un gouvernement étranger ou, selon la nouvelle formule, comme le gouvernement d'une autre nation. Mais les faits sont têtus. On ne peut pas faire l'impasse sur le fait que les Québécois sont copropriétaires de tout ce qui est fédéral, non seulement au Québec mais partout au Canada. Le gouvernement fédéral ne leur est pas «étranger». Les Québécois votent à Ottawa et ils y paient des impôts. Le gouvernement fédéral est aussi leur gouvernement et même, jusqu'à preuve du contraire, celui de leur nation. Ils choisiront peut-être un jour de quitter le Canada mais, pour l'heure, ils n'en sont pas là.

On doit s'interroger sur ce qu'il faut bien appeler une tendance à vouloir nier la réalité et une propension à rayer des pans entiers de notre histoire. Avec quelle véhémence, pendant l'année du 400e, n'a-t-on pas affirmer que la fondation de Québec n'avait rien à voir avec l'histoire du Canada. N'est-ce pas faire injure à nos ancêtres que de gommer ainsi tout ce qu'ils ont contribué à la construction de ce pays? Où était l'insulte lorsque Stephen Harper affirmait que le Canada était né en français et que les Canadiens ne devaient jamais l'oublier?

Tous les livres d'histoire du Canada, même le plus récent publié l'année dernière par le professeur Robert Bothwell de l'Université de Toronto, commencent par un chapitre sur la Nouvelle-France. Pourquoi vouloir effacer de notre mémoire collective ce que les Canadiens français ont construit, non seulement au Québec, mais dans le reste du Canada? Est-ce une façon de consolider une identité nationale que de nier ce qu'on a été? Peut-être est-ce plus facile de quitter un pays si on réussit à se convaincre qu'on n'a rien eu à voir avec son histoire mais, encore une fois, il ne sert à rien de s'emporter contre les faits car cela les laisse totalement indifférents.

Au cours des siècles, notre poids relatif au sein du Canada n'a cessé de diminuer. Qu'à partir de ce constat certains estiment que l'avenir de notre collectivité passe par le repli sur un territoire où on peut espérer être et rester majoritaire, c'est une choix politique auquel on n'est pas obligé de souscrire, mais qu'on a le devoir de respecter.

Rien de tout cela cependant n'autorise qui que ce soit à faire comme si la séparation avait déjà eu lieu. Ce à quoi on assiste depuis des années, c'est une volonté d'imposer un discours. Faute d'être majoritaire, ce discours se veut et parvient à être dominant. Ceux que la réalité intéresse encore ont le devoir de réagir.

Marie Bernard-Meunier

Diplomate de carrière, l'auteure a été ambassadrice du Canada à l'UNESCO, aux Pays-Bas et en Allemagne. Elle siège au conseil d'administration du CERIUM.