Comme vous, j'ai lu, vu et entendu. Comme vous, mes yeux se sont écarquillés d'horreur et mes oreilles ont frisé d'effroi. J'ai été bouleversée à l'idée de ces deux petits corps sans vie, à l'incommensurable douleur de leur mère et surtout, au désespoir et à la souffrance qui ont rongé leur père.

Et comme les événements de l'actualité ont cette propension à nous ramener à nous-mêmes et à notre propre vie, j'ai pensé à mes deux garçons. J'ai pensé à ces adorables petits bonshommes, à leurs yeux bleus, leurs blonds cheveux, leur innocence, leur naïveté et leur candeur. Mon coeur s'est gonflé d'amour, mais très vite, je l'ai senti se serrer de peur.

La peur que malgré tous les efforts que mon amoureux et moi investissons dans leur éducation, malgré tout l'amour dont nous les entourons, ils ne soient pas assez forts pour encaisser les revers et les épreuves que la vie mettra sur leur chemin.

Je pense à eux qui un jour, bien trop vite cependant, seront des hommes et aimeront d'autres femmes que moi, à ces grandes peines d'amour qui leur broieront le coeur, aux échecs sportifs, scolaires et professionnels auxquels ils seront confrontés.

Je ne peux m'empêcher d'en vouloir un peu à notre système scolaire qui valorise trop peu les boules d'énergie que sont nos garçons et qui peine à leur offrir les modèles masculins dont ils ont tant besoin, mais qui sont souvent absents de nos écoles. Et je me questionne: au-delà de nous, les parents, la société n'a-t-elle pas son rôle à jouer dans la façon dont on traite les garçons?

Depuis quelques décennies, on nous a servi un «girl power» discours selon lequel le monde appartient maintenant aux femmes et que désormais, les hommes n'ont plus le monopole de la réussite et du pouvoir. Ce discours, ce fut de la musique aux oreilles de la jeune fille que j'ai été, de celle qui s'est souvent comportée en «tasse-toi mononcle» à l'égard de ses compagnons d'études et qui n'a aujourd'hui rien à envier à ses confrères masculins. Rien n'est acquis pour les femmes, mais avouons que de grands pas ont été franchis.

Nonobstant cette féminisation de la société, je me demande si, dans notre code génétique à nous, les filles, ne serait pas inscrite cette capacité à ne pas plier l'échine devant l'adversité, à faire fi de notre orgueil pour crier au secours et signaler un appel à l'aide. Tant mieux pour nous, le cas échéant.

Mais que fait-on de la détresse qui peut aussi engourdir les garçons, les entraîner vers les bas-fonds et les amener à des gestes de désespoir? Il faut trouver des outils et des stratégies qui sauront les interpeller, les secouer et les amener à sortir de leur torpeur pour aller chercher de l'aide. Au fond, peut-être faut-il simplement masculiniser notre approche face au désarroi des garçons et des hommes qui nous entourent. Il ne faudrait pas perdre de vue que tout autant que les petites filles, les petits garçons, les miens comme les vôtres, sont notre avenir.

Ma réflexion est évidemment subjective et irrationnelle puisqu'elle touche la chair de ma chair et me renvoie à ceux qui me sont le plus précieux sur cette Terre. Cependant, tout aussi émotionnelle soit-elle, je crois que cette réflexion a sa raison d'être et qu'à plusieurs têtes, nous pourrons éventuellement arriver à des solutions afin de mieux aimer nos garçons...

L'auteure réside à Brossard.