On dirait que Stephen Harper et Barack Obama viennent de planètes différentes. Tout les oppose: le style, la personnalité, l'appartenance et l'approche politiques, la manière dont ils voient le monde.

Par conséquent, les perspectives ne sont pas reluisantes. L'histoire démontre que les présidents américains et les premiers ministres canadiens ont de meilleures chances de bâtir une relation harmonieuse et productive lorsqu'ils appartiennent au même parti. Cela s'est avéré lorsque Franklin Roosevelt était au pouvoir en même temps que Mackenzie King et quand Brian Mulroney a fait équipe avec Ronald Reagan et George Bush père.

 

Ce sont là deux époques qui établissent les normes en ce qui concerne les relations entre les leaders du continent. Mais, comme ce fut le cas de George W. Bush et de Jean Chrétien, lorsqu'il existe au point de départ un large fossé dans la philosophie, les chances de succès sont minces. C'est ce qui s'est passé dans le cas de Richard Nixon et de Pierre Trudeau de même qu'entre M. Reagan et M. Trudeau.

Les leaders d'aujourd'hui, l'un conservateur, l'autre libéral, entrent dans ce dernier moule. Ils seront peut-être en mesure de tisser de bons liens d'affaires, mais guère plus.

Le président Obama est un progressiste, un chef moderne du XXIe siècle caractérisé par le style, le charisme et l'éloquence. M. Harper a une vue du monde plus traditionnelle, plus vieux jeu. Si M. Obama a davantage foi en la diplomatie et la sécurité collective, M. Harper penche pour sa part plus vers une manière de penser davantage axée sur le choc des civilisations. Comparé au président américain, c'est un faucon. Il n'a même pas exercé de pressions pour faire fermer Guantanamo, ce que M. Obama s'apprête à faire.

Ce dernier favorise ostensiblement le désarmement, la réduction de l'arsenal nucléaire. M. Harper a rarement fait écho à cette question. M. Harper était en faveur de la guerre en Irak, ce à quoi M. Obama s'est opposé. M. Obama est «vert» depuis longtemps alors que M. Harper tente encore de se colleter avec cette couleur. Le président Obama est éloquent tandis que M. Harper, comme la plupart des leaders canadiens modernes, prononce des discours ternes, émaillés de clichés. Le président inspire les gens. Le premier ministre, qui a soigneusement évité de proposer une vision pour ce pays, est lugubre.

Le président s'habille comme un abonné à GQ (le magazine Gentlemen's Quarterly). Personne n'a jamais accusé le premier ministre d'être chic. Le président, du moins jusqu'à présent, adopte une approche bipartisane. Par contraste, M. Harper a souvent fait de la politique d'une manière mesquine et en y allant de coups bas. C'est l'une de ses pires caractéristiques.

Tous les autres leaders pâtissent en comparaison d'un Obama qui n'atteindra peut-être plus jamais ces sommets de popularité. Notre premier ministre ne fait pas exception. La véritable âme soeur du président au Canada est le libéral Michael Ignatieff, qui a de nombreux contacts étroits dans le camp Obama. Ils sont tous deux issus de Harvard. Ils écrivent tous les deux et ce sont des penseurs progressistes avec de larges perspectives sur le monde.

Sentant l'immense popularité de M. Obama dans ce pays, M. Harper fera tout en son pouvoir pour se montrer coopératif avec lui. Il est possible que sur certaines questions épineuses telles que le commerce, l'environnement et le contrôle des frontières, ils puissent faire des progrès.

Mais cela ne sera pas facile. Récemment, le premier ministre a dû présenter un budget libéral. Aujourd'hui, il devra caresser dans le sens du poil un président libéral. Le courant ne lui est pas favorable.

Lawrence Martin

L'auteur est chroniqueur au quotidien «The Globe and Mail» et il a publié plusieurs ouvrages dont «The Presidents and the Prime Ministers».