Je ne comprends pas pourquoi on a laissé un petit garçon (parce que même à 14 ans, on est toujours un petit garçon), David, se faire traiter avec autant de mépris par ceux qui devaient être ses compagnons de classe, ses amis. Je ne comprends pas pourquoi on envoie des enfants seuls, au front, sans l'armure ni l'expérience du guerrier aguerri. Je ne comprends pas comment on peut laisser un tel mal de vivre naître chez un être humain dans sa prime jeunesse, au moment où justement on devrait croquer dans la vie à pleines dents.

Dites-moi si on a le droit de blâmer ces autres enfants pour leur méchanceté. A-t-on le droit de leur en vouloir? Est-ce qu'on peut les rendre responsables d'avoir conduit un des leurs dans un tel état de désespoir? Et ceux qui se taisent en regardant le plus faible se faire tabasser sont-ils aussi coupables? Est-on coupable d'avoir peur? Est-on coupable d'avoir peur de devenir le prochain souffre-douleur si on s'oppose aux plus forts?

 

Je me pose sérieusement la question parce que, dans un certain sens, ce ne sont que des enfants eux aussi. Comme le disait Paul Piché, dans un certain escalier, «Pis les enfants, c'est pas vraiment méchant. Ça peut mal faire ou faire mal de temps en temps. Ça peut cracher, ça peut mentir, ça peut voler. Au fond, ça peut faire tout c'qu'on leur apprend.»

Alors, c'est nous qu'il faut blâmer, notre société? Notre incapacité à intégrer les plus faibles, à tempérer les plus forts? Faut-il blâmer une certaine «biologisation» de nos comportements sociaux, une nouvelle sorte de loi de la nature, une application cruelle des théories darwinistes? En même temps, vous me direz que depuis toujours, chaque ville ou village a connu son fou, son «pas comme les autres», son rejet...

Est-ce là notre conception de la dignité humaine? On se bat pour la reconnaissance des droits de l'homme, des droits de la femme, des droits des prisonniers, des droits des travailleurs, partout dans le monde. Et l'on ne fait rien pour le droit des enfants, pour qui chaque jour d'école est synonyme de railleries, de taxage, de violence: le martyre lorsque l'on a 14 ans et que l'on veut juste être comme les autres.

Je ne comprends pas... et vous, comprenez-vous?

Marie-Michèle Sauvageau

L'auteure termine sa maîtrise en communication publique à l'Université Laval. Elle réagit à la disparition du jeune David Fortin à Alma.