Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a déposé hier un budget marqué par un retour aux déficits massifs, qu'il a chiffré à 64 milliards de dollars sur deux ans. C'est le même ministre qui nous disait le 27 novembre dernier dans son énoncé économique - il y a seulement 60 jours - que le gouvernement enregistrerait un surplus pour l'année en cours.

Récapitulons. Deux mois après son arrivée au pouvoir, en mars 2006, le gouvernement Harper disposait d'un surplus de 12 milliards. En moins de deux ans, bien avant que la crise économique sévisse, le gouvernement a bousillé toute la marge de manoeuvre disponible en faisant des choix politiques à court terme, dont la coupe de deux points de la TPS, et en devenant le gouvernement le plus dépensier depuis la Confédération. Non seulement a-t-il dépensé le surplus de manière frivole, sans effet positif significatif sur la croissance économique, mais il est resté jusqu'au dépôt de ce budget campé sur son idéologie de non-interventionnisme, prétextant que tout allait bien. S'il change de cap aujourd'hui, ce n'est que par nécessité politique.

Après avoir littéralement fermé les portes du Parlement et supplié la gouverneure générale de lui accorder une prorogation le mois dernier pour éviter une défaite humiliante, le premier ministre n'a donc eu d'autre choix que de battre en retraite pour présenter un budget beaucoup trop généreux à son goût, mais nécessaire pour permettre sa survie. Il est néanmoins maintenant acquis que, tout comme son prédécesseur conservateur, les déficits feront partie de son legs politique.

Un choix simple

Le choix qui s'offre à Michael Ignatieff est assez simple. Parmi les trois options qui sont devant lui - provoquer des élections, diriger la coalition ou laisser passer le budget - c'est la dernière qui est de loin l'option la moins inconfortable pour son parti. En effet, ni des élections hâtives, dont personne ne souhaite, ni la coalition, ne constituent des options attrayantes pour les libéraux.

Pour M. Ignatieff, la coalition n'a jamais été autre chose qu'être un instrument de dernier recours. Dans les circonstances actuelles, ses chances de diriger un gouvernement libéral à moyen terme sont relativement bonnes. À la vitesse avec laquelle le gouvernement Harper s'aliène le Québec, gouverne à la petite semaine et met au grand jour les motifs partisans qui guident l'action gouvernementale, M. Ignatieff peut se permettre de faire preuve encore d'un peu de patience.

Le lien de confiance entre les Canadiens et le premier ministre ne risque pas de s'améliorer à la suite du dernier virage à 180 degrés que vient d'effectuer Stephen Harper. Ce gouvernement est bel et bien en voie de se défaire tout seul. En prenant le temps de mieux se faire connaître, de renouveler son organisation et de renflouer les coffres du parti, M. Ignatieff met toutes les chances de son côté. Trois ans après avoir pris le pouvoir, les chances que le premier ministre se réinvente soudainement en rassembleur et se transforme en un leader inspirant avec un programme à long terme pour le pays sont assez minces.

L'auteur est directeur adjoint de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. Il a été conseiller du premier ministre Paul Martin et du chef libéral Stéphane Dion.