Durant ma longue carrière politique, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, je n'ai pas rencontré un autre individu qui méritait davantage le qualificatif de gentilhomme que Jean Pelletier.

Lui et moi étions liés d'amitié depuis la dernière année du cours classique au pensionnat des Trois-Rivières. Avec son sourire chaleureux, et sous des dehors patriciens qu'il faisait mentir, il suscitait immédiatement le respect.

 

Dès le collège, il était clairement apparu que la vie lui réservait un rôle important. Toujours à la fine pointe de l'actualité politique, on l'a vu évoluer dans les affaires publiques dès les premières années de sa vie professionnelle. Il a fourbi ses premières armes au service de Paul Sauvé, premier ministre du Québec trop vite disparu. Ensuite, les citoyens de la ville de Québec, qu'il l'aura passionné toute sa vie, en ont fait leur maire; un maire exceptionnel auquel ils ont réitéré leur confiance pendant 12 ans. Nous avions eu l'occasion de travailler efficacement ensemble à cette époque, avec plaisir.

Quand je suis devenu chef de l'Opposition à Ottawa et qu'il me fallait bâtir une équipe qui m'aiderait à devenir premier ministre, c'est vers mon vieux copain Jean que je me suis tourné. Quel heureux choix!

Homme rafiné, versé arts et en lettres, et ayant beaucoup voyagé, il était d'une compagnie agréable et enrichissante pour tous. D'une solidité sans faille dans son travail, il était toujours ponctuel avec un programme de travail bien établi; sa présence se faisait sentir dès les premiers instants d'une réunion. Il s'exprimait impeccablement dans nos deux langues officielles, toujours de façon à la fois directe et courtoise. Sa compétence, sa rigueur, sa minutie, sa droiture et son sens du devoir étaient universellement reconnus de ses interlocuteurs.

Pendant les 10 années qu'il a dirigé mon bureau, les chefs d'État, les ministres, les députés, les hauts fonctionnaires et les ambassadeurs n'ont eu que des compliments à son égard.

Au cours de cette période, ce grand serviteur public fut l'inspiration des jeunes, le conseiller des dirigeants et la conscience d'une équipe extraordinaire.

Plus de 40 ans d'exceptionnels services à sa ville, Québec, à sa province et à son pays lui auront mérité des remerciements pour ses qualités d'homme de travail méticuleux, de dévouement, de fidélité, de compétence et de classe sans pareils.

Le gentilhomme de Québec, Jean Pelletier, aura été un exemple pour tous. Il nous manquera. En fait, il nous manque déjà.

L'auteur a été premier ministre du Canada de 1993 à 2003.