C'est une tradition, au Québec, de critiquer sévèrement les Bye Bye qui marquent la fin et le début d'une année. Cette année, les critiques ont été spécialement sévères et l'émission a suscité de la honte, de la gêne et de la colère chez de nombreux téléspectateurs et citoyens. (...)

En fait, le problème du Bye Bye 2008 n'est pas ponctuel. Il est lié au fait que, depuis quelques décennies, l'humour occupe un espace démentiel, pour ne pas dire intolérable, au sein de la société québécoise. On peut proposer des centaines de définitions de l'humour mais il n'en reste pas moins que, très souvent, le rire est suscité par l'irruption, parfois brillante et «géniale», de l'insolite, de l'imprévu, de l'absurde. On peut développer une multitude de thèses mais il n'en reste pas moins que le sens de l'humour, c'est de savoir rire des autres et, souvent même, de soi-même, ce qui a l'avantage de dédramatiser l'existence.

 

Aussi, il est clair que l'humour, comme d'autres l'ont mieux dit avant moi, c'est souvent d'inférioriser, dans le but de faire rire ou de faire sourire, des individus ou des catégories sociales. Lorsque l'on fait de l'humour à la troisième personne du singulier, on commence souvent en disant: «Connais-tu l'histoire du gars, du fou, du newfie, du Belge, du Français (eh oui!), du Juif ou de tout autre personnage «typé»?» On peut toutefois, ce faisant, sombrer, comme le fait Dieudonné, dans un antisémitisme débridé. On peut, comme le Gros cave, sombrer dans un mépris de premier degré qui rapetisse la charge humoristique. (...) Tout cela pour dire qu'à mon humble et pas très original avis, l'humour québécois manque de bons humoristes, d'humoristes talentueux et éventuellement décapants. Bien triste est notre société avec son Festival de l'humour, son Musée de l'humour et son École de l'humour. Malgré ces «grandes institutions», au moins 90% de l'humour est «débiloïde», sans grandeur et sans hauteur. Heureusement qu'il y a eu Sol et Yvon Deschamps. Heureusement qu'il y a Guy Nantel. Et on me pardonnera d'en oublier quelques-uns parmi lesquels il n'y a ni le Gros cave, ni le père des Bougon, ni le chum de Véronique.

N'oublions pas qu'il y a un humour qui libère alors qu'on peut aussi être confronté à un humour qui «enferme» et qui est marqué au sceau de la régression humoristique.

L'auteur est sociologue.