Pauvre centre-ville. Pendant que le «mairet» de l'arrondissement de Ville-Marie se chicane avec le «gros maire» pour des poignées de «trente-sous» - tout en perdant quelques centurions de sa garde rapprochée -, les résidants du centre-ville (comme moi), ainsi que d'autres citoyens qui ont ajouté foi aux injonctions du «jovialiste en chef» Marcel Tremblay et tenté de faire des emplettes en délaissant la voiture, en ont été quittes, ces jours derniers, pour jouer les équilibristes sur les trottoirs de la rue Sainte-Catherine.

En effet, ma conjointe et moi nous nous sommes tapé, et le mot est faible, un aller-retour sur les trottoirs de «la Catherine» entre Jeanne-Mance et Peel. Un vrai cauchemar! Dès le départ, en longeant le désastreux chantier de la future Place des spectacles, nous avons failli nous rompre les os. Traverser la rue Jeanne-Mance et gravir la petite pente du trottoir menant à l'ancien Spectrum relève de la tentative de suicide.

 

La traverse de la rue et le trottoir en entier y sont recouverts d'une épaisse couche de glace inégale agrémentée de neige usée qui les rend aussi glissants que du savon mouillé. On y voit des gens en équilibre précaire s'agripper à la clôture qui ceint le fameux chantier afin de gravir la pente. En milieu de circuit, un panneau amovible portant une affiche ARRÊT et qui n'a rien à faire là est tombé et est enseveli sous la neige. Son pied, constitué d'une épaisse plaque de métal de 40 cm de côté est, quant à lui, traîtreusement placé à la verticale et saille à moitié à travers le banc de neige attendant que quelqu'un lui tombe dessus après une glissade. Inutile de dire que je l'ai prestement arraché de là et jeté par-dessus la clôture.

Le reste de «la Catherine» est à l'avenant. Pas de traces d'abrasifs ou de fondants. Seules les portions où les gestionnaires d'immeubles, comme Les Ailes de la mode, ont pris l'initiative de nettoyer sont sécuritaires, faisant la preuve que la chose est parfaitement possible. On en est donc réduit à marcher précautionneusement, à petits pas en regardant à terre à la recherche de la moindre portion dégagée où poser la semelle. On oublie le lèche-vitrine et les conversations détendues. Malgré cela, à au moins trois reprises, j'ai dû raidir fortement le bras pour empêcher ma conjointe de s'étaler par terre. Et je ne vous parle pas des nombreux adultes que j'ai vus glisser, rager et maudire notre belle ville en murmurant des paroles qui ne s'écrivent pas dans un journal. Je me souviendrai aussi de cet enfant qui s'est écrasé sur le trottoir pour se relever et partir en hurlant sa peine au bras de sa mère.

À Marcel Tremblay qui blâme tout le monde pour son inaptitude à organiser le déneigement et qui demande, quand même à bon droit, de laisser les voitures à la maison et d'utiliser les transports en commun, je laisse le message suivant: j'ai choisi de vivre au centre-ville il y a de cela 10 ans. Ma bagnole est dans un garage souterrain et ici, je me déplace toujours à pied et sur de longues distances, car j'aime marcher. Or, cher M. Tremblay, si vous tenez à ce que nous vous prenions au sérieux et si vous avez tant de misère avec les rues, arrangez-vous donc au moins pour que les trottoirs soient sécuritaires. Et si vous voulez savoir comment faire, demandez donc aux gestionnaires d'immeubles commerciaux, ils ont l'air de savoir. En attendant, je vais tâcher de me limiter au réseau piétonnier souterrain auquel j'ai heureusement un accès direct. C'est plus sûr.

L'auteur est un Montréalais.