Durant 20 ans, Michel Nadeau a occupé des postes de haute direction à la Caisse de dépôt. Il est présentement directeur général de l'Institut sur la gouvernance (HEC Montréal-Concordia).

La Caisse a été avantagée par la faible pondération des actions dans son portefeuille (36% seulement), mais la grande inconnue demeure le rendement des immeubles et des placements privés qui sont évalués en décembre par des experts externes à la fin de chaque année. Ces évaluations doivent être approuvées par le vérificateur général du Québec.

 

La répartition entre les différents actifs dans un portefeuille explique au moins 80% de la performance d'un gestionnaire. Les avoirs des déposants de la Caisse étaient répartis ainsi en début 2008: actions (36,3%), obligations, court terme et devises (29,5%) et autres placements (35,1%). Ces derniers comprennent l'immobilier et les dettes immobilières (18,7%), des placements privés et participations (11,4%) et des fonds de couverture (hedge funds) (3,4%).

Si le rendement des actions fut désastreux cette année, les autres classes d'actifs s'en tirent mieux en 2009.

Tous les gestionnaires écopent

Le rendement en 2008 de toutes les bourses de la planète tourne autour de - 46,8%. Comme le montre le tableau ci-contre, il n'y avait pas de marché ou de pays refuge possible, l'univers boursier mondial bougeant désormais à l'unisson. Donc, tous les gestionnaires écopent...

La Caisse avait au début de l'année 36,3% de son portefeuille en actions canadiennes et étrangères contre 56% pour la médiane des caisses au Canada. Or, les actions ont affiché les pires résultats de toutes les classes d'actif. L'indice MSCI Barra recule de 47% depuis le début de l'année. Tous les marchés sont frappés, bien que l'Amérique du Nord s'en tire un peu mieux que le reste du monde. L'indice canadien a reculé de 33% et affiche la meilleure performance des grands indices mondiaux. Il faudra voir l'impact du dollar canadien sur le rendement des avoirs en monnaies étrangères.

L'indice obligataire a gagné 3,4% en 11 mois; cet actif comptait pour 29,4% du portefeuille de la Caisse, soit un peu moins que les 37,8% pour la caisse médiane de RBC Dexia au 31 décembre 2008.

Pour plus de 35% des avoirs de la Caisse, l'évaluation est faite par des experts sur une base annuelle. Or, c'est cette partie Immobiliers, Participations et Placements Privés qui empêche de donner à tout moment un chiffre de rendement de la Caisse. En effet, la Caisse possède l'un des 10 plus grands parcs immobiliers au monde, ainsi que d'importantes participations dans des fonds de placement et dans des entreprises non cotées en bourse. Pour établir le rendement de la Caisse, une vaste opération est mise en branle chaque année en fin d'exercice par laquelle des évaluateurs externes et indépendants établissent la valeur de ces placements. Ces évaluations doivent ensuite recevoir la caution du vérificateur général du Québec.

Ce n'est qu'au terme de cette opération, qui s'étend sur plusieurs semaines, et seulement après que le vérificateur général eut signé les états financiers de la Caisse, que le chiffre de rendement de la Caisse peut être rendu public. Les dirigeants de la Caisse ne peuvent, selon le bon plaisir de l'un ou de l'autre, lancer un chiffre de rendement au 2 décembre ou à toute autre date, sauf au terme de cette opération effectuée en date du 31 décembre de chaque année.

En supposant que ces actifs ont fait -12% cette année, on obtient un rendement à peu près équivalent de -18% à une caisse de retraite privée (60% actions -40% obligations).

Fonctionnement de la Caisse

La Caisse devrait-elle rendre publics ses résultats trimestriellement?

Si l'on comprend le fonctionnement de la Caisse ainsi que décrit ci-haut, la Caisse pourrait présenter des résultats non vérifiés pour lesquels elle devrait supposer que la valeur de son parc immobilier et de ses placements privés ne change pas tout au cours de l'année. Une telle information est incomplète et peut facilement induire en erreur.

Elle pourrait toutefois entreprendre tous les trois mois l'opération d'évaluation du parc immobilier et des placements privés et demander au vérificateur général du Québec de mener une vérification des comptes. Il s'agit d'une opération coûteuse dont les bénéfices sont douteux pour une institution de placement à long terme. Les quelques caisses de retraite qui fournissent des résultats trimestriels se distinguent par leur faible pourcentage de leurs placements en immobilier et en placements privés.

Il faut arrêter de traîner la Caisse dans la boue pour des fins politiques. Ce sont tous les Québécois qui y perdent lorsque ces tactiques politiciennes nuisent à la Caisse et à sa réputation sur les marchés mondiaux.

Lorsqu'en février, les résultats de la Caisse seront connus, on verra alors à donner des fleurs et des pots aux gestionnaires qui ne peuvent échapper aux grands mouvements de marchés mondiaux. Ils devront alors être évalués comme doivent l'être les professionnels en placement.

Les gestionnaires de la Caisse ont-ils battu leurs indices de marché et, dans une certaine mesure, comment se comparent-ils à leurs pairs? Voilà le vrai débat.

 

RENDEMENT DES MARCHÉS BOURSIERS POUR LES 11 PREMIERS MOIS DE 2008

États-Unis (S&P 500) - 39,0 %

Toronto (TSX) -33,0 %

Francfort (DAX) -42,1 %

Hong-Kong (Hang Seng) -50,0 %

Milan (MIB) -48,2 %

Paris (CAC 40) -41,9 %

Russie (RTS) -71,3 %

São Paulo (Bovespa) - 42,7 %

Shanghai (Composite) - 64,4 %

Sydney (All Ord) - 42,8 %

Tokyo (Nikkei 225) - 44,4 %

Indice mondial (01/12/2008) - 46,8 %

Sources : Bloomberg et MSCI Barra