Stephen Harper recule. Il n'a pas le choix. Cette retraite du gouvernement ne semble toutefois pas suffisante pour l'opposition. Les pourparlers des libéraux et des néo-démocrates en vue de constituer un gouvernement de coalition seraient-ils à ce point avancés? Le Québec ne sait toujours pas s'il pourra tenir ses élections le 8 décembre en toute sérénité!

Si cette volte-face de Stephen Harper ne réussissait pas à calmer le jeu, le Canada pourrait être ainsi appelé à vivre l'aventure d'un gouvernement de coalition, une situation toujours extrêmement délicate, fragile et précaire. D'autant plus qu'au Canada, on n'a pas de véritable expérience dans le domaine.

Ce gouvernement de coalition PLC-NPD aurait un leadership (libéral) très incertain et aléatoire en raison de la situation particulièrement difficile du PLC. Stéphane Dion, premier ministre! La réalité dépasse la fiction! Simplement pour survivre à la Chambre des communes, la coalition gouvernementale devrait, par ailleurs, s'assurer de la collaboration du Bloc québécois qui pourrait avoir des exigences singulières, par exemple l'application de la loi 101 aux organismes fédéraux oeuvrant au Québec!

En temps normal, et à plus forte raison en période de crise économique, tout gouvernement de coalition doit faire au quotidien des arbitrages et des compromis au niveau des principes et des valeurs propres à chacun des partis politiques impliqués. Les membres des caucus parlementaires et les militants de la base risquent toujours d'exiger un droit de regard sur ce que fait leur parti au sein du gouvernement. C'est dire que la vie des gouvernements de coalition n'est pas tellement plus facile que celle des gouvernements minoritaires - le processus de décision y est forcément très complexe, beaucoup plus lent et pas nécessairement plus efficace.

Gérer la décroissance

Alors, la question se pose de savoir comment, dans les circonstances présentes, cette coalition PLC-NPD réussirait-elle à mieux gérer la décroissance en instaurant un équilibre au niveau des dépenses publiques, du déficit et des coupures dans les programmes moins prioritaires? Est-ce vraiment une si bonne idée que cela?

Tout ce problème que nous vivons prend évidemment sa source dans la situation minoritaire du gouvernement. Au Canada, il n'y a que rarement de véritables élections générales; ce sont souvent des élections régionales additionnées! Le danger du gouvernement minoritaire est donc toujours présent.

Stephen Harper aurait dû se rendre compte que sa stratégie du déclenchement prématuré des élections pour obtenir une majorité avait échoué. S'il avait parfaitement le droit de proposer au pays les orientations propres à son parti, il n'avait pas la liberté de les imposer.

Le premier ministre a pensé, semble-t-il, que les présentes difficultés du PLC et la situation financière précaire des partis politiques lui permettraient d'agir comme s'il était majoritaire. Il s'est tristement trompé. L'initiative spectaculaire du PLC et du NPD a eu l'effet, pour le moment du moins, de le ramener à la raison.

Cette témérité de Stephen Harper aura donc jeté un nouveau discrédit sur les institutions parlementaires elles-mêmes et sur le principe du maintien de la confiance de la Chambre des communes dans le gouvernement. L'électorat canadien est en droit de s'attendre à ce que le Parlement, fût-il minoritaire, fonctionne normalement. Dans la préparation de son exposé budgétaire, le premier ministre se devait de faire place aux préoccupations des partis de l'opposition. Il ne l'a pas fait.

Stephen Harper a, enfin, bien mal choisi son moment pour agir unilatéralement. En vue de faire face à la crise économique et financière, tous les gouvernements sont en mode de concertation à l'échelle des continents et des pays; ils mobilisent les énergies et les ressources vives de la nation; ils mettent en veilleuse les dogmes, les idéologies et les intérêts partisans. Stephen Harper a fait tout le contraire. Il en paie le prix.

Jean Charest a vu dans cette saga politique canadienne l'occasion de renforcer son plaidoyer pour un gouvernement majoritaire. Bien difficile de ne pas lui donner raison, n'est-ce pas?

Ancien conseiller de Robert Bourassa, l'auteur est sénateur indépendant.