Au cours des dernières années, nous avons été témoins de l'émergence de la Chine, du Brésil et de l'Inde en tant qu'acteurs économiques de premier plan à l'échelle mondiale.

En même temps, nous avons assisté à la chute humiliante des tout-puissants de Wall Street. Sans oublier que les prouesses de l'armée américaine ont cédé la place à ce que Winston Churchill qualifiait de «déserts ingrats de la Mésopotamie» et que l'autorité morale des États-Unis a été mise à mal par ce qui s'est passé notamment à Guantánamo Bay et Abou Ghraib.

Malgré tout cela, les États-Unis demeurent aujourd'hui l'unique superpuissance mondiale, la seule nation qui compte pour toutes les parties du monde, le seul pays capable de mobiliser l'action internationale pour résoudre les problèmes planétaires.

Le nouveau président aura avant tout pour mission de restaurer la compétitivité et la confiance du pays. Il ne sera pas simple de freiner les dépenses et emprunts excessifs en vue de rétablir les valeurs familiales d'épargne, d'économie, de responsabilité et de juste récompense.

La réalisation de ces objectifs donnera sûrement une place plus importante à l'égalité sociale, après une période où les plus riches ont préservé leur style de vie «années folles» et exploité adroitement les «guerres culturelles» - les préjugés populistes de leurs concitoyens bien plus pauvres.

Puisque l'Amérique ne peut plus assumer le rôle d'emprunteur mondial de dernier recours, il nous faut accentuer l'avance sur nos concurrents pour vendre dans d'autres marchés. Il est impératif de ne pas en être empêchés par un retour au protectionnisme. Espérons que le nouveau président américain se souviendra des conséquences désastreuses du protectionnisme des années 20 et des années 30; les échecs du président Herbert Hoover sont une leçon sanguinaire.

Communauté internationale

Nous attendons tous du prochain président américain qu'il renoue le dialogue avec la communauté internationale et avec les organisations internationales, et que la superpuissance qu'il représente accepte les règles applicables aux autres.

L'ONU est loin d'être parfaite: elle a besoin de réformes, tout comme les organes de gouvernance économique mondiale. Cela prendra du temps. Condition indispensable au changement: l'Amérique doit enclencher le processus et montrer la voie à suivre. Ne nous laissons pas distraire par l'idée d'une alternative aux Nations unies - 'une «Ligue des démocraties» - car elle n'est pas viable.

Nous voulons un président prêt à faire aboutir la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire en 2010, à lutter pour la destruction d'armes et l'abandon de la recherche sur les armes et à inciter les autres à en faire autant. Quel meilleur cadre pour renforcer la surveillance et les suites données au Traité, pour nouer le dialogue avec l'Iran et associer l'Inde et le Pakistan à un accord nucléaire mondial?

Qui plus est, le nouveau président devra exploiter le potentiel créatif américain en stimulant l'efficience énergétique et le développement de technologies propres. Il serait appréciable de pouvoir s'accorder dès l'année prochaine sur un suivi complet du traité de Kyoto. Tout du moins, nous pourrions fixer pour objectif la mise au point du processus qui fera avancer les discussions dans la bonne direction; l'Amérique devrait d'ailleurs associer l'Europe, la Chine et l'Inde, en particulier, aux innovations énergétiques telles que le charbon propre.

Les relations sino-américaines seront essentielles à la prospérité et à la sécurité au cours de ce siècle. Je ne pense pas que le combat pour l'hégémonie soit inévitable, ni qu'il serait souhaitable. Les États-Unis devraient s'intéresser davantage à la Chine, sans pour autant fermer les yeux sur ses antécédents en matière de droits de l'homme. Sans changements politiques ni améliorations environnementales, la Chine ne pourra maintenir le rythme de son essor économique.

Au Proche-Orient, le premier ministre israélien Ehoud Olmert a donné des conseils avisés au prochain président américain. Il lui semble en effet que la diplomatie américaine appréhende généralement le monde à travers le prisme sanglant et désespéré d'Israël et de la Palestine. Or, il est temps d'avancer, de donner une impulsion durable à un accord comme celui qui était sur le point d'être conclu sous la présidence de Bill Clinton. (...)

Copyright: Project Syndicate, 2008. www.project-syndicate.org

L'auteur a été commissaire européen aux Affaires extérieures, président du Parti conservateur britannique et le dernier gouverneur britannique de Hong-Kong. Il est aujourd'hui chancelier de l'université d'Oxford et membre de la Chambre des lords.