La nomination de Lawrence Cannon comme ministre des Affaires étrangères démontre que le premier ministre Harper est conscient de l'importance des dossiers que devra gérer le nouveau ministre, mais également que sa formation souffre de son peu de profondeur, notamment au Québec.

Avec la rétrogradation de Josée Verner et de Jean-Pierre Blackburn, le manque d'expérience de Christian Paradis et de Denis Lebel et la mise à l'écart de Maxime Bernier, aucun autre Québécois ne pouvait occuper un poste aussi prestigieux au sein du gouvernement Harper.

M. Cannon possède une certaine expérience en matière d'affaires internationales, surtout au plan commercial. Il a également prit part au sommet de la Francophonie à Québec. Force est de constater qu'il n'a pas la trempe d'anciens ministres des Affaires étrangères, tels Joe Clark, Lloyd Axworthy, John Manley et Bill Graham.

Les conservateurs ne disposent tout simplement pas de députés forts et expérimentés en diplomatie internationale. Au manque d'expérience s'ajoute le style centralisateur du premier ministre, lequel permet peu d'autonomie, d'initiative et de droit de parole de la part de ses ministres. En ce sens, Stephen Harper agit pratiquement comme s'il était lui-même ministre des Affaires étrangères.

Cette situation est symptomatique d'un double phénomène en politique étrangère canadienne. D'abord, le ministère des Affaires étrangères vit une crise d'identité et de rôle avec, d'une part, la concentration de la prise de décision au bureau du premier ministre et au Conseil privé et avec, d'autre part, l'internationalisation des dossiers de plusieurs autres ministères. De plus, son rôle de coordination des relations extérieures, en Afghanistan par exemple, semble de fait chimérique. S'il demeure prestigieux, ce Ministère n'exerce plus de leadership en matière d'affaires internationales.

Pourtant, la politique étrangère du gouvernement conservateur est loin d'être claire et consensuelle. Le nouveau ministre devra positionner le Canada sur la question du système financier mondial lors du sommet du G20 en novembre prochain. «Nous n'allons pas aussi loin que la France en disant que nous repensons le capitalisme», avait commenté Lawrence Cannon, alors ministre des Transports. Le Canada présentera-t-il une alternative à la «Stratégie de régulation globale» que proposera le directeur du Fonds monétaire international?

Puis il y a le dossier des relations avec la Chine, passablement ternies depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Harper. Ce dernier a d'ailleurs promis qu'il se rendrait en Chine advenant sa réélection. Ce sera une occasion unique pour le nouveau ministre des Affaires étrangères de poursuivre le travail amorcé par David Emerson afin d'insuffler un peu de réalisme à la politique canadienne vis-à-vis de Beijing.

Enfin, deux grands enjeux domineront l'attention du nouveau ministre: l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration américaine et la guerre en Afghanistan. Si Barak Obama remporte l'élection présidentielle la semaine prochaine, le gouvernement canadien pourrait devoir réviser sa position sur les changements climatiques, s'assurer que l'ALENA ne soit pas rouvert et rapatrier Omar Khadr de Guantánamo.

Le Canada devra également justifier le retrait militaire canadien de Kandahar, prévu pour décembre 2011, alors que ses alliés sont en faveur d'une nouvelle stratégie diplomatico-stratégique, laquelle ne peut qu'être discréditée par la défection prématurée du Canada. Enfin, Ottawa devra éventuellement se positionner au sujet des incursions militaires américaines au Pakistan, en Syrie et peut-être ailleurs au Moyen-Orient.

Le ministre Cannon aura donc de multiples occasions de s'illustrer et de démontrer le leadership international du Canada, pour autant qu'il soit libre de le faire.

JUSTIN MASSIE

L'auteur est doctorant à Queen's University et Chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes de l'UQÀM.