La crise financière qui balaie la planète depuis l'été 2007 est en voie d'entraîner les économies américaine et mondiale en récession l'an prochain. Pour certains pays, la récession semble déjà entamée, et l'on n'attend que la bénédiction des instances pour la confirmer officiellement. Qu'importe, les marchés financiers ont tranché depuis longtemps: l'indice boursier MSCI-World affiche un repli de plus 40% depuis 12 mois.

Les États-Unis traverseront probablement un repli économique aussi douloureux qu'au début des années 80, et leurs partenaires économiques n'ont qu'à bien se tenir. En 2007, les États-Unis ont importé pour plus de 2300 milliards de dollars américains de biens et services, soit l'équivalent de 4,3% du PIB mondial.Au Canada, 75% de nos exportations traversent la frontière vers le sud. L'onde de choc bouscule maintenant les finances des économies en développement (Argentine, Hongrie, Biélorussie), et le Fonds monétaire international devra leur venir en aide. Le terme déficit revient même hanter les gouvernements. Inquiétant? Certes, l'ampleur de la crise est désarmante. Du jamais vu? Non.

Un peu de perspective

L'impression générale est que l'épisode économique actuel est une première. Mais à bien des égards, force est de constater que nous avons déjà vu ce film et que seuls les acteurs et leurs costumes ont changé. L'utilisation abondante des termes «historique» et «sans précédent» doit donc être tempérée. Certes, la crise financière qui sévit est de nature historique par son ampleur. Les États-Unis ont péché par excès de cupidité et le reste du monde a financé ces excès, ce qui a accéléré l'effet domino de Washington à Moscou. Toutefois, l'occurrence d'une crise financière ainsi que ses implications économiques (récession, recul des Bourses) trouvent de nombreux précédents dans l'histoire moderne.

La crise financière actuelle risque de se retrouver au sommet du palmarès, mais on ne peut pas parler d'un événement isolé. D'autres crises financières notoires ont eu lieu aux États-Unis (1929, 1970, 1974, 1987), au Japon et en Scandinavie au début des années 90, et plus récemment en Asie (1997) et en Russie (1998). Les États-Unis ont également traversé 10 récessions depuis la Seconde Guerre mondiale, d'une durée moyenne de 10 mois. Le Canada a également connu son lot de récessions, dont la dernière remonte au début des années 90.

Dès l'apparition de signes de récession, les autorités adoptent généralement des mesures stimulantes qui visent à relancer l'activité économique. Dans le cas actuel, la meilleure nouvelle des derniers mois est le constat d'urgence qui s'impose au sein du G7. Les baisses de taux d'intérêt et autres plans de stimulation feront partie de notre quotidien jusqu'à ce que l'économie reprenne son élan. La mondialisation des échanges commerciaux et des flux financiers nécessite actuellement une réponse musclée et concertée des banques centrales. Si cette concertation peut être qualifiée d'historique, les méthodes ne le sont pas. En période de récession, on a toujours abaissé les taux d'intérêt.

Du côté boursier, la glissade automnale a alimenté la panique et l'incrédulité. Bien que tout repli boursier reste désagréable, l'épisode actuel n'est pas hors norme. (...)

La descente du prix du pétrole est un autre phénomène qui ne devrait surprendre personne puisque la demande de ressources (cuivre ou pétrole) s'affaiblit toujours en période de récession. L'odyssée qui a mené le pétrole aux abords des 150$US le baril, en juillet 2008, aura fait couler beaucoup d'encre (et surtout donné le coup de pouce nécessaire à une modification des habitudes de transport) avant que la logique économique ne rejoigne finalement le prix de l'or noir.

Un des pires ennemis de l'investisseur est d'attribuer aux événements en cours un statut préférentiel en omettant certains principes de base, tels le retour à la moyenne et la gravité! Le sentiment généralisé qui veut que l'épisode en cours soit «sans précédent» vient probablement du fait que la dernière récession d'envergure remonte à 1982, ce qui implique que l'incertitude économique avait jusqu'à maintenant épargné toute une génération. Bien qu'il y ait toujours des nuances de cycle en cycle, la trame de fond reste assez similaire.

Méfiez-vous toujours de ceux qui avancent que, cette fois-ci, c'est différent! La parade de chiffres devrait s'assombrir pour une bonne partie de 2009 alors que l'économie mondiale traverse une récession. Mais la logique boursière étant ce qu'elle est, les indices auront rebondi bien avant que les manchettes s'améliorent, et ce, même si cette récession s'avère aussi prononcée qu'au début des années 80. (...)

L'auteur est stratège financier à Scotia Capitaux.