Même si le premier débat présidentiel américain a finalement eu lieu vendredi dernier, les tribulations du Congrès pour arriver à une entente permettant de sauver l'économie et la décision de John McCain de suspendre sa campagne ont démontré à ceux qui en doutaient encore que ce sont les enjeux de politique intérieure qui déterminent l'issue d'une campagne présidentielle aux États-Unis, en particulier l'économie.

Alors que l'intérêt des Américains en matière de politique étrangère et de sécurité est en déclin depuis 2004, près de 70% d'entre eux considèrent que l'économie est la priorité absolue et que le choix du prochain président sera crucial pour l'avenir économique et financier du pays. C'est vraisemblablement la position économique des deux candidats qui assurera leur victoire ou leur défaite le 4 novembre prochain.

 

À cet égard, Barack Obama a une longueur d'avance sur McCain. La perception du candidat démocrate est plus positive au fur et à mesure que la crise financière s'aggrave, au contraire de l'image du candidat républicain. De plus, les électeurs lui font davantage confiance pour améliorer leurs conditions de vie et restaurer l'économie, alors que les indépendants soutiennent surtout les positions économiques d'Obama plutôt que celles de McCain. Le débat de vendredi dernier a permis de confirmer ces tendances alors qu'Obama a pu dépeindre McCain comme l'ami des riches et des entreprises et à souligner le fait que la catastrophe actuelle est le fruit des huit années de l'administration républicaine de George W. Bush.

Occasions uniques

Les deux prochains débats présidentiels constituent donc des occasions uniques pour John McCain de renverser la vapeur et de retrouver l'initiative de cette campagne. Malheureusement pour lui, le débat du 7 octobre se déroulera sous forme de «town hall meeting», c'est-à-dire que les candidats auront à répondre directement aux questions de l'audience, formule qui est loin d'avantager McCain d'autant plus que les questions économiques referont assurément surface.

Quant au dernier débat, le 15 octobre, il portera essentiellement sur les enjeux de politique intérieure dont l'économie mais aussi la santé et l'éducation, deux autres sujets avec lesquels McCain est peu familier et surtout, pour lesquels les électeurs ont des attentes qui dépassent les propositions du républicain.

Alors que plusieurs croyaient que l'Irak et le terrorisme seraient les enjeux majeurs de cette campagne en tous points atypique et imprévisible, la crise financière que vivent les États-Unis depuis plusieurs mois vient brouiller les cartes et force les candidats à modifier leur plan de campagne.

En fait, les électeurs, par le biais des débats présidentiels, voudront rappeler que les circonstances qui ont permis à Bush d'être réélu en 2004 n'existent plus: avec l'élection de 1968 en pleine guerre du Vietnam, l'élection de 2004, en raison des problèmes liés à la guerre en Irak, est la seule élection présidentielle depuis la Deuxième Guerre mondiale pour laquelle ce sont les enjeux de politique extérieure qui ont déterminé le vote des Américains.

John McCain devra donc tirer des leçons de cette réalité et cesser d'être un candidat unidimensionnel, sans quoi il risque de terminer sa longue et importante carrière politique au Sénat plutôt qu'à la Maison-Blanche.

L'auteure est chercheure associée à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM (www.dandurand.uqam.ca/electionsusa2008) et professeure de science politique au Collège André-Grasset.