La récente déroute des icônes de la finance américaine a semé un effroi sans précédent dans la population. Si bien que des deux côtés de la frontière, les enjeux électoraux sont désormais dictés par les aléas quotidiens des places financières.

Aux États-Unis, le candidat présidentiel républicain, John McCain, tente de remonter dans les sondages en cherchant à s'établir comme un des principaux acteurs des efforts de sauvetage. Au Canada, les belles années de croissance sont terminées et le prochain gouvernement aura à négocier avec une économie en sérieuse perte de vitesse et un surplus qui risque de disparaître momentanément.

 

L'importance des sommes libérées par les banques centrales et le Trésor américain depuis quelques semaines ajoute au surréalisme de la situation. Les faillites et les sauvetages des Lehman Brothers et autres Freddie Mac (combien avaient entendu parler de ces institutions avant?) alimentent certes les pires appréhensions. Mais l'ampleur des conséquences de la saignée à Wall Street dépendra de la rapidité avec laquelle la confiance se rétablira.

L'augmentation des coûts du crédit sera LA conséquence économique directe de l'ouragan qui souffle sur Wall Street. Et comme le coût de financement des institutions financières a bondi et qu'elles doivent renflouer leur capital, les conditions de crédit offertes aux consommateurs et aux entreprises se sont resserrées considérablement. En bref, il y a moins de crédit disponible, ce qui implique qu'il y aura moins de consommation. Un repli des dépenses de consommation est habituellement l'élément déclencheur d'une récession.

Tant que le fonctionnement des marchés monétaires reste aussi chaotique, on risque une détérioration encore plus marquée du marché du crédit. Un tel scénario aurait des impacts plus pernicieux et il risquerait de prolonger la récession qui pointe à l'horizon. On voit déjà venir la vague, mais on peut encore éviter le tsunami!

La plus sévère depuis la Grande Dépression

La crise qui sévit actuellement chez nos voisins du sud est la plus sévère depuis les années 30, mais l'ampleur des conséquences tangibles sur le quotidien des ménages reste encore difficile à déterminer. Jusqu'à maintenant, nous assistons à l'éradication du modèle de Wall Street, alors que le secteur financier américain traverse une profonde remise en question. Wall Street vit SA «dépression» et l'économie est au bord de la récession. Depuis deux semaines, les investisseurs retiennent leur souffle en espérant voir revenir une certaine normalité dans le marché du crédit; voilà l'enjeu réel de cette crise financière. Les carences du système financier américain ont également mis en valeur les qualités du système canadien.

Depuis la mi-juillet, nous assistons à un changement de leadership majeur sur les marchés boursiers mondiaux, qui traduit l'inconfort économique des investisseurs. Plus précisément, ce revirement reflète l'évolution des craintes des investisseurs qui voient désormais la récession comme principale menace plutôt que l'inflation. Au revoir la stagflation et, surtout, au revoir les scénarios de pétrole à 200$US le baril! L'impact pour l'indice boursier canadien a été fulgurant: le TSX a perdu 15% de sa valeur depuis trois mois (contre une baisse de 6% pour le S&P 500). D'autres indices à connotation ressources (Russie -39% en trois mois, Brésil -21%) ont aussi largement souffert.

Les États-Unis sont aux premières loges de ce fiasco et leurs autorités financières ont été des plus actives, au cours des derniers mois, sur le plan fiscal et monétaire. Les autres pays du G7 devront mettre l'épaule à la roue et y aller de leurs propres initiatives de relance, notamment avec des baisses de taux d'intérêt.

L'auteur est stratège financier chez Scotia Capitaux.