Dans l'article du 29 juillet intitulé «Du tourisme sans abri», La Presse fait état du phénomène des «crevettes» qui envahissent chaque été le centre-ville de Montréal. La présence de ces jeunes marginaux, venus de l'extérieur pour la plupart, est la cause de nombreuses incivilités particulièrement dans le secteur de la rue Sainte Catherine (et ses rues transversales) entre St Urbain et Amherst.

Le responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, Claude Dauphin, affirme qu'il ne voit pas ce fléau comme un problème et qu'il ne faut pas exagérer. Permettez-moi de partager un point de vue différent.

D'abord, nous considérons que le phénomène des jeunes de la rue est complexe et malgré le fait que plusieurs d'entre eux viennent de familles financièrement à l'aise, leur vie n'est pas un conte de fée : fugue, prostitution, alcoolisme, toxicomanie, criminalité, maladie mentale, désinstitutionalisation.

La triste réalité est aussi que le centre-ville de Montréal, particulièrement le secteur Est, est devenu une destination estivale pour ces jeunes marginaux et leurs chiens, venus de partout au Canada et au Québec. L'anonymat d'un centre-ville est susceptible d'attirer des clientèles marginales. Je ne crois pas que l'on serait aussi tolérant à Outremont, Ville St Laurent, Westmount ou Lachine.

La marginalité fait partie intégrante de notre société et dans un monde idéal, la cohabitation civilisée serait souhaitable. Cependant, nous sommes très loin de cette réalité et malgré les efforts soutenus de l'arrondissement Ville-Marie, des tables de concertation de quartier, de la présence de nombreux organismes communautaires et du SPVM à prévenir ce phénomène, il n'y a pas de consensus sur les moyens à prendre.

Les questions de criminalité relèvent des services de police et ils méritent notre confiance à cet égard. Cependant, les problèmes d'incivilités nous concernent tous et ce n'est pas une problématique que nous devons chiffrer, mais plutôt prévenir. L'incivilité mène à la criminalité. Malgré le support exceptionnel des deux postes de quartier du SPVM situé dans la partie Est du centre-ville, notre quotidien est teinté d'incivilités, d'intimidation, de consommation de drogues et d'alcool sur le domaine public et privé, d'altercations verbales et physiques, d'actes criminels, de vandalisme.

Pour nos marchands, citoyens, visiteurs, consommateurs, travailleurs, touristes, la présence des jeunes marginaux et de leurs chiens est devenue tout simplement insupportable. Sans une volonté politique et financière d'enrayer ce fléau, de mettre en place les ressources additionnelles nécessaires et de passer le message que Montréal ne tolère pas ce genre de comportement, il y a peu de chance que la situation change de façon significative.

J'invite donc M. Dauphin, tous les élus et décideurs publics qui considèrent que cette situation n'est pas un problème, à venir dîner quotidiennement au Parc Émilie Gamelin pendant quelques semaines et à échanger avec les riverains, policiers, intervenants, visiteurs, travailleurs et touristes qui fréquentent le quartier. Vous verrez que, de jour en jour, votre compassion se transformera peu à peu en intolérance chronique.

Imaginez maintenant que ce manège de quelques semaines devienne des années et vous comprendrez ce que vivent nos marchands et résidants du quartier. Pour qu'une visite au centre-ville soit une expérience urbaine excitante, elle se doit d'abord d'être sécuritaire.

L'auteur est directeur général de la Société de développement du Quartier latin.