On parle énormément de la crise du disque depuis quelques années. Les albums ne se vendent plus, on use de toutes les stratégies possibles pour tenter de contrer ce phénomène.

Non seulement il y a crise dans cette industrie mais - comme si cela n'était pas suffisant - il y a un élément de difficulté supplémentaire pour les créateurs de chansons (dont je fais partie!).

Depuis quelques mois, à peu près tous les artistes-interprètes se lancent dans les productions d'albums ne comportant que des reprises. Vous voulez des noms? Lara Fabian, Ima, Maurane, Sylvain Cossette, Chimène Badi, Roch Voisine (la liste est trop longue, je m'arrête ici). Il y a même le gagnant de Star Académie de cette année qui pousse la chose encore plus loin: Il fera un sondage auprès du public pour savoir ce qu'il a le goût d'entendre sur son album. Comme si plus rien ne pouvait s'écrire, plus rien n'avait autant de valeur que ce qui se faisait il y a 15 ou 20 ans.

De mon côté, je me vide les tripes quand j'écris une chanson, je ne calcule pas ce qui va fonctionner ou non... Est-ce à dire que maintenant, les artistes perdent le feu sacré et deviennent davantage des «vendeurs»?

Pour leur part, les compositeurs sont souvent moins touchés par ce dur coup de l'industrie car on fait souvent appel à eux pour réarranger les chansons anciennes, pour les mettre au goût du jour. Mais les paroliers ne peuvent pas changer les paroles!

Nous sommes très peu au Québec à avoir épousé cette profession de parolier. Ceux qui écrivent pour les interprètes sont souvent des gens très connus qui le font en dilettante (Louise Forestier, Zachary Richard, Michel Rivard, Pierre Lapointe). Les autres qui se consacrent uniquement à l'écriture de chansons ne sont pas légion au Québec (ça se compte presque sur les doigts d'une main). Je pourrais vous citer Frédérick Baron (qui dernièrement à rajouter une corde d'interprète à son arc), Dave Richard, Nelson Minville (qui est également compositeur), Roger Tabra, Sophie Nault. Et moi je pousse la plume autant que faire se peut... Comme vous pouvez le constater, une petite confrérie finalement.

En France, la profession de parolier en est une à part entière et est très respectée. Évidemment, le bassin est plus grand...Dernièrement, j'ai lu un article qui disait que pour vendre maintenant, il fallait trouver des nouvelles méthodes. Et les reprises sont un bon coup de marketing, semble-t-il.

Heureusement que j'ai écrit deux chansons pour Ginette Reno (qui incidemment a vendu plus de 240 000 copies de son dernier album). Ça pourra au moins mettre un peu de beurre sur mon pain... Parce que à ce rythme-là, la profession de parolier deviendra bientôt inutile et je ne manquerai pas seulement de beurre mais de pain pour aller avec!

L'auteure est parolière.