Le gouvernement québécois actuel, comme ses prédécesseurs, sera une fois de plus confronté à son obligation primordiale de protéger et promouvoir le caractère français du Québec tout en respectant ses obligations légales et morales face aux minorités anglophones de la province.

Cette réalité sera mise à l'épreuve alors que la Cour suprême du Canada rendra sa décision sur la légalité du projet de loi 104. Cette loi, en vigueur depuis 2002 soit 25 ans après l'adoption de la Charte de la langue française du Québec en 1977, élimine le droit de passer d'une école privée non subventionnée de langue anglaise du Québec au système scolaire public anglophone.

La question va droit au coeur de la situation des communautés linguistiques minoritaires du Québec alors qu'elles aspirent à coexister et contribuer dans une société majoritairement francophone. La réponse se trouvera dans la réaction du gouvernement face à la décision future.

L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) est intervenue devant la Cour suprême du Canada en décembre dernier afin d'argumenter l'inconstitutionnalité de la loi 104 dans le but d'assurer la survie à long terme du système scolaire public anglophone au Québec.

Nous demeurons optimistes que le projet de loi 104 sera déclaré inopérant. S'il ne l'est pas, l'avenir du réseau des écoles publiques anglaises pourrait être irrémédiablement compromis. Si la loi est invalidée, nous nous attendons à ce que le gouvernement agisse rapidement et de plein gré pour mettre en oeuvre la décision.

L'ACSAQ a insisté devant le tribunal, et nous le répétons ici, sur le fait qu'il est possible pour le gouvernement du Québec de faire preuve de leadership, de vision et de responsabilité en profitant de cette occasion pour établir un équilibre entre les obligations mentionnées ci-dessus. Cela permettrait au gouvernement de convenir que le réseau des écoles publiques anglophones du Québec est un allié, et non un adversaire, dans la quête pour une langue française solidement enracinée au Québec. Voilà la réalité des écoles anglaises publiques au Québec aujourd'hui.

Notre rôle fondamental de maintenir une présence robuste et collaborative de la communauté anglophone au Québec n'est égalé que par notre détermination à voir nos diplômés nous quitter équipés d'une bonne maîtrise du français. Depuis plus d'une génération, les commissions scolaires anglophones du Québec élaborent et implantent des programmes de français langue seconde qui dépassent grandement les exigences du programme éducatif du Québec. Nos écoles sont à l'origine du modèle d'immersion en français maintenant utilisé partout dans le monde. Les élèves qui franchissent nos portes ne contournent aucunement la politique linguistique du Québec. Au contraire, ils en respectent l'essence même.

Si en tant qu'institution essentielle à l'enseignement public anglais nous voulons sincèrement contribuer à l'avenir du Québec, alors Québec doit sincèrement contribuer à l'avenir d'une telle institution. Les enjeux linguistiques ne sont jamais faciles à résoudre, particulièrement au Québec.

Par contre, les solutions sont parfois plus simples que l'on pourrait croire. Selon l'ACSAQ, l'invalidation du projet de loi 104 permettrait à quelque 500 élèves de fréquenter les écoles publiques anglaises annuellement. Ce nombre est extrêmement important pour un système scolaire où le taux d'inscription souffre d'une baisse chronique, le taux de natalité est déficient comparativement au milieu francophone, et où la migration de la population se poursuit.

Toute proportion gardée, la perte de ces élèves aurait un impact plus modeste dans le système francophone. Les compromis entraînent toujours certains sacrifices, mais lorsqu'ils fonctionnent bien, ils réconcilient deux points de vue légitimes de façon mutuellement avantageuse. Nous sommes face à un tel compromis.

Inévitablement, il sera proposé que le gouvernement édicte une nouvelle loi pour contourner la décision du tribunal. Il sera aussi répété que toute concession faite à l'accès aux écoles anglaises menace automatiquement la langue française avec le même refrain : attention, c'est un premier pas vers le démantèlement de la Charte de la langue française. L'ACSAQ espère entendre la Cour réfuter ce genre d'arguments comme nous le faisons, et nous osons espérer que l'opinion du public suivra cette tendance.

Au fil des ans, les premiers ministres et les ministres de l'éducation se sont succédé en nous affirmant que le système scolaire public anglophone est un élément institutionnel vital de la société québécoise. L'ACSAQ demande maintenant que ces paroles évoquant l'inclusion, la sincérité et l'équité se traduisent en gestes concrets.

En appliquant la décision éventuelle de la Cour déclarant inopérante la loi 104, le gouvernement enverra non seulement un signal clair et net exprimant une confiance en l'avenir du Québec, mais aussi un message grandement apprécié confirmant que notre rôle y est important.

Debbie Horrocks est la présidente de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec.