Radio-Canada-CBC et ses artisans traversent en ce moment des jours sombres qui doivent susciter une réflexion et un débat de fond au sein de la société civile québécoise et canadienne.

M. Bernard Derome, honoré pour sa grande contribution au métier de journaliste à l'antenne de Radio Canada, a lancé un appel en ce sens et je tiens à l'en remercier et à répondre «présent» à ce cri du coeur d'un homme réputé pour sa réserve, sa rigueur et sa crédibilité.

J'ai grandi en regardant et en écoutant la SRC, et plus tard j'y ai travaillé à titre de comédien dans de nombreuses téléséries. À chaque fois que je veux avoir une information crédible et complète face aux grands événements, c'est principalement vers la SRC que je me tourne. C'est le meilleur moyen d'apprendre, de comprendre et de me forger une opinion sur les grands débats nationaux et internationaux. Il est donc regrettable, par exemple, qu'une émission comme «Une heure sur terre» subisse l'an prochain des coupures dans son budget.

M. Derome a bien identifié les deux piliers du bilan de la SRC: culture et information de qualité, et j'ajouterais toutes origines et classes sociales confondues, car elle a toujours été et continue d'être, le seul réseau francophone accessible partout sur le territoire canadien sans abonnement à un quelconque service de câblodistribution ou satellite.

Radio-Canada a été accusé tour à tour d'être un «nid de séparatistes» ou un «instrument de propagande du complot fédéraliste», voire un «repaire de libéraux».

Plusieurs politiciens et groupes de pression ont, au cours de son histoire, souhaité sa disparition, et son budget a déjà fait l'objet de sérieuses coupures, mais jamais une attaque aussi sournoise et un travail de sape aussi systématique n'ont été lancés à son égard.

M. Soudas, porte-parole du premier ministre Harper, a déclaré aux médias que le premier ministre et son gouvernement voulaient travailler «la main dans la main avec Radio Canada-CBC». Serait-ce pour mieux leur tordre le bras?

Rappelons quelques faits.

La SRC doit actuellement investir des sommes considérables pour faire passer son réseau d'antennes pancanadien de l'analogique au numérique. Une grande part de son budget y est consacrée.

De plus, Radio-Canada subit actuellement une baisse marquée de ses revenus publicitaires, comme toutes les télévisions généralistes, sans bénéficier de redevances des câblodistributeurs. Certes, elle est subventionnée, mais le coût réel en est de 9 cents par jour par contribuable, soit 37$ par année. Est-ce trop cher payé pour un réseau de correspondants à travers le monde dont le nombre et la qualité sont inégalés par aucun autre réseau pancanadien ou québécois? (À titre de comparaison la BBC reçoit par année 177$ par contribuable.)

Les critères de financement établis par le nouveau Fonds des médias privilégient la cote d'écoute comme première mesure d'évaluation et place la SRC sur un pied d'égalité avec tous les autres joueurs de la télévision. Mais récemment, des séries diffusées à la SRC (Un gars une fille, les Invincibles, Minuit le Soir) ont ensuite intéressé des diffuseurs étrangers, prouvant que la rentabilité et le rayonnement prévisibles ne se limitent pas qu'à une première diffusion sur notre marché et qu'en création, il y a toujours une part de risque non mesurable.

Par ailleurs, la radio de Radio-Canada est la seule radio accessible à tous qui soit exempte de publicité et dont la programmation soit d'une qualité internationale qui en fait un ambassadeur de notre identité et de notre culture à travers la francophonie et le monde entiers.

Certes, les temps changent et l'économie est en eaux troubles, et Radio-Canada doit donc s'adapter et faire preuve d'imagination et se renouveler sans cesse, mais est-ce une raison pour liquider un contributeur unique à l'édification du Québec et du Canada moderne?

Le profit à tout prix et la facilité nous ont conduits à une des pires crises économiques depuis des lunes. Et pour des raisons purement idéologiques, l'actuel gouvernement fait tout pour appliquer la même médecine dépassée à Radio-Canada-CBC avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, dans l'espoir de les voir marginalisés sinon disparaître. Et tout cela pour favoriser qui?

Radio-Canada et la CBC n'ont que faire des idéologies. Elles font partie de nos valeurs.

L'auteur est comédien. Il a été candidat libéral dans la circonscription d'Outremont lors des élections fédérales de 2008.