Le 21 avril dernier, le Comité consultatif de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale a présenté son avis sur les cibles de revenu des personnes et des familles. C'est un devoir que lui avait donné la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Nous sommes le Comité AVEC, un comité permanent du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Notre groupe est composé d'intervenants, de chercheurs et d'une majorité de personnes en situation de pauvreté qui croisent leurs perspectives pour éclairer la lutte à la pauvreté. Nous avons réfléchi sur cet avis. Nous applaudissons les recommandations du Comité consultatif qui portent sur l'abolition des catégories à l'aide sociale : c'est un grand pas dans la lutte aux préjugés. Nous apprécions aussi les efforts du Comité consultatif pour améliorer le revenu des personnes en situation de pauvreté.

Mais nous trouvons que l'avis ne va pas assez loin. Il recommande de verser 80% de la mesure du panier de consommation (MPC) comme soutien financier. La MPC correspond à la couverture minimale des besoins de base. Ne verser que 80%, c'est accepter que des personnes ne puissent combler ces besoins. Les personnes devront encore choisir de se priver de nourriture saine pour avoir le téléphone ou pour se chauffer convenablement. Il faut donc viser à atteindre rapidement 100% de la MPC.

La MPC couvre les besoins de base, mais c'est encore loin de la sortie de la pauvreté. Se payer le minimum en logement, nourriture, transport et médicaments, c'est différent que de pouvoir faire des projets pour l'avenir. L'esprit de la Loi vise le respect de la dignité des personnes et la sortie de la pauvreté, et c'est pourquoi il faut établir une cible claire pour y arriver. La participation des personnes en situation de pauvreté est nécessaire à la définition de cette cible.

Ça vaut la peine d'augmenter les revenus des personnes et des familles. Il ne s'agit pas seulement de pouvoir combler ses besoins de base, mais aussi de pouvoir s'épanouir sur les plans social et culturel. Cela signifie pouvoir s'acheter une passe d'autobus, recevoir les amiEs des enfants, quitter son logement inadéquat et déménager dans un endroit qui correspond à ses besoins, etc. Cela permet de faire autre chose que seulement penser à couvrir ses besoins. C'est avoir le choix, avoir une marge de manoeuvre. C'est aussi un tremplin, une véritable chance d'améliorer sa situation, « c'est ça qui m'a permis de retourner à l'école ».

Il y a également des effets qui touchent l'ensemble de la société. Une hausse du revenu des personnes et des familles permet de mieux distribuer la richesse, de mettre un terme à l'appauvrissement, de faire des économies, de diminuer les coûts en santé et services sociaux, de diminuer le décrochage scolaire.

Il faut augmenter les revenus des personnes au bas de l'échelle, parce que ne pas appliquer la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale que le Québec s'est donnée, revient à ne pas respecter la démocratie et les droits de tous. Nous croyons à la solidarité de tous les citoyens, que nous soyons ou non en situation de pauvreté. Lutter contre la pauvreté, c'est contribuer à l'enrichissement collectif de la société québécoise dans son ensemble.

Il faut également, à part des revenus, aborder la question de la redistribution de la richesse. Il faut inventer de nouveaux modèles de développement humain, social et économique, car ce n'est pas vrai que tous ont la même égalité de chances. Au-delà des compétences et des efforts des personnes, un ensemble de conditions sociales, politiques et économiques influencent les possibilités de sortir de la pauvreté. Pour reprendre une image du Collectif pour un Québec sans pauvreté, vivre la pauvreté, c'est comme essayer de monter dans un escalier roulant qui descend.

Dans cet escalier, il y a toutes sortes de visages de la pauvreté : personnes handicapées ou malades, travailleurs et travailleuses à faible revenu, femmes, autochtones, étudiants et étudiantes, immigrantes et immigrants, personnes âgées, personnes seules. Car la pauvreté n'envoie pas de carton d'invitation; demain, c'est aussi chez vous qu'elle peut se présenter.

Le comité AVEC est composé de Patrick Bacon, Micheline Bélisle, Michel Bellemare, Sophie Dupéré, France Fournier, Lucie Gélineau, Jean-Pierre Hétu, Pierre-Paul Jourdain, Laurence Lavoie, Bert Luys, Danielle Thibault et Noëlla Vincent.