Depuis quelques semaines, les médias du Québec révèlent des faits troublants quant à notre système de justice et l'égalité entre les droits des victimes et des criminels. Des jugements récents de la Cour criminelle ont largement démontré le préjugé favorable que la justice entretient face au criminel.

Deux jugements ont attiré notre attention et ont choqué toute la population. Le premier fut celui qui a reconnu un homme intoxiqué non criminellement responsable de l'assassinat d'une jeune femme et le second, celui d'un autre homme qui a reçu une sentence de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité après avoir agressé trois femmes au métro Snowdon. Ces deux jugements incompréhensibles ont fait reculer la cause de la violence faite aux femmes de 40 ans. Les juges qui présidaient ces procès ont ignoré totalement les victimes et les préjudices qu'elles ont subis. Ils sont habités, comme beaucoup de professionnels dans le système de justice canadien du fantasme de la réhabilitation. Deux poids, deux mesures.

D'autres informations publiées dans les médias sont encore plus inquiétantes et démontrent clairement, qu'au Québec, nous avons deux vitesses quand vient le temps d'écouter les victimes et les criminels : une lente pour les victimes et un fast-track pour les criminels. Je m'explique.

Un quotidien québécois annonce en première page le 30 avril que les avocats qui ont défendu les Hells durant leurs procès depuis 2001 ont reçu 10 millions en honoraires. On apprend dans l'article en question, que les honoraires calculés à l'heure ou à la journée représentent de trois à cinq fois le salaire que le ministère de la Justice du Québec verse à ses propres avocats pour faire condamner ces criminels.

J'essaie simplement de comprendre la logique de notre système de justice. Comment peut-on accepter que des juges puissent, à même nos impôts, approuver si facilement de tels honoraires à des avocats d'assassins et de vendeurs de drogues à des mineurs quand une grande partie des québécoises et québécois n'ont pas accès à l'aide juridique? Deux poids, deux mesures...

Il y a quelques jours, les médias nous apprenaient que le ministère de la Sécurité publique et la SQ dépenseront 3 millions afin de compenser un délateur qui s'est mis à table. Sa dénonciation vise à faire condamner un important groupe de motards criminalisés. L'opération policière est remarquable, il faut le dire. Sans doute que cette prime est un investissement rentable pour la SQ, lequel permettra de faire condamner de nombreux criminels et apporter des réponses à des familles meurtries. Mais, encore une fois, je me pose une question. Pourquoi est-il si facile à des criminels de négocier avec le gouvernement et si difficile pour des victimes d'actes criminels d'obtenir gain de cause? Nous négocions depuis quatre ans avec le ministère de la Justice afin de recevoir une aide financière de 100 000 dollars par année pour aider 500 familles dont un proche a été assassiné ou est disparu. Quelle réponse avons-nous reçue à ce jour? La dépense est trop élevée. Deux poids, deux mesures...

Enfin, parlons des dépenses de la Commission juridique du Québec, laquelle relève du ministre de la Justice du Québec. L'Aide juridique est un programme qui veut faciliter aux québécois l'accès à la justice. Donc, le ministère de la Justice paie chaque année, à même nos taxes, les services juridiques pour la défense d'une vingtaine d'assassins. Pour chaque criminel ainsi défendu, le ministère de la Justice déboursera entre 50 000 et 60 000 dollars. Pourquoi le gouvernement peut dépenser si facilement de telles sommes d'argent pour défendre un criminel et que pendant ce temps, la famille dont le proche a été assassiné, ne recevra aucune indemnisation pour le meurtre de leur proche. Deux poids, deux mesures.

Le constat

Le constat m'apparaît fort simple : devant la justice, criminels et victimes n'ont pas des droits égaux. Deux poids, deux mesures.

Nous sommes dans une société de droit et celle-ci garantit à tout citoyen un traitement juste et équitable devant la justice. L'AFPAD ne remet aucunement en question ce droit fondamental. D'ailleurs, la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît et protège ce droit pour nous tous.

Mais comment atteindre cette égalité, dans notre système de justice, entre les droits des criminels et ceux des victimes d'actes criminels. Cette égalité est utopique me direz-vous, mais elle est réalisable dans la mesure où les victimes d'actes criminels aient des droits reconnus sur les plans juridique et légal, comme la charte canadienne en reconnaît pour tous les criminels.

L'AFPAD se bat depuis quatre ans pour l'équité entre les droits des criminels et ceux des victimes d'actes criminels. Cette égalité peut voir le jour si le gouvernement du Québec adopte une Charte des droits des victimes d'actes criminels.

Enfin, si nous reconnaissons ce principe d'égalité des droits entre criminels et victimes dans notre système de justice au Canada, nous devons remettre en question la latitude et l'indépendance que les juges se sont attribuées au cours des ans. Ils semblent appartenir à une autre réalité que celle dans laquelle vit la majorité de la population. Les lois sont votées par les parlements élus et seuls les députés sont imputables devant le peuple de leur application. Il faut donc s'assurer que le Code criminel n'est pas seulement un guide optionnel pour les juges quand vient le temps d'établir une sentence.

Le Code criminel est le guide des sentences à imposer et représente la volonté de tous les Canadiens que justice soit rendue et que les crimes soient punis proportionnellement aux torts et préjudices que les victimes ont subis. Dans trop de cas, les juges tiennent peu compte qu'il y a eu victimes.

L'auteur est le président de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues du Québec. Sa fille Julie a été assassinée en 2002.