En cette journée de Fête internationale des travailleurs, certains constats sur la réalité du monde du travail nous incitent à la procession funèbre plus qu'à la fière parade.

D'abord, sympathies et solidarité aux quelques 50 000 Québécois qui ont perdu leur emploi dans la tourmente de la crise. Souhaitons que le gouvernement mettra en place des mécanismes afin d'assurer qu'ils retrouveront un emploi d'aussi bonne qualité que celui perdu. Plus profondément, nous devons nous inquiéter du fait qu'au cours des 30 dernières années, les salaires n'ont pas réussi à réduire les inégalités de revenu qui grèvent encore notre société.

En effet, malgré que la richesse produite par habitant au Québec (PIB par habitant) a presque doublé depuis la fin des années 70, les revenus de travail de la majorité de la population ont stagné en termes réels. Si on observe les deux premiers quintiles, soit les 40 % des familles qui sont les moins riches, on remarque que leurs revenus ont même légèrement diminué entre 1976 et 2006, selon l'Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de Statistique Canada. Ces revenus sont passés d'une moyenne de 18 900 $ à 18 200 $ en dollars constants pour le deuxième quintile. Du côté de la classe moyenne (3e quintile), l'augmentation n'est que de 9 % pendant les trente années.

À l'opposé, le cinquième de la population le plus riche a vu ses gains gonfler de 30 % sur la même période (passant de 64 300 $ à 84 100 $ en dollars constants). Cette croissance des inégalités a fait exploser le phénomène révoltant des travailleurs pauvres, qui malgré qu'ils occupent un emploi, sont obligés de courir les banques alimentaires et les soupes populaires.

Si la classe moyenne et les travailleurs du bas de l'échelle ont pu bénéficier d'une croissance modérée de leur pouvoir d'achat au cours des dernières années, c'est uniquement en raison de programmes de redistribution mis en place par les gouvernements (soutien aux enfants, primes au travail et autres). Sans délaisser les initiatives de redistribution, il est grand temps que le travail reprenne sa place comme principal outils de partage de la richesse.

Pour y arriver, nous devons remettre à l'avant des mécanismes de régulation du travail qui ont fait leurs preuves tout au long de l'histoire: les syndicats et les lois du travail.

D'abord, cette augmentation des inégalités n'est en rien étrangère au déclin de la présence des syndicats dans le secteur privé depuis le début des années 80. Pour relever ce défi, il faut, entre autres, faciliter l'accès à la représentation collective pour les travailleurs les moins favorisés qui se retrouvent majoritairement dans les petits lieux de travail. La possibilité de regrouper des personnes ayant différents employeurs au sein d'une même accréditation faciliterait grandement la syndicalisation pour un ensemble de petites entreprises d'une région (centre commercial, région agricole, etc.) ou de secteurs similaires (employés d'agence, de services de soins à domicile, etc.).

Pour leur part, les syndicats devront consacrer une plus grande part de leur budget au soutien à l'organisation des employés de domaines moins favorisés.

Au niveau législatif, il faut lutter contre la précarisation des emplois en empêchant les disparités de traitement selon le statut d'emploi. Il n'est pas normal qu'un travailleur reçoive un salaire inférieur à ses collègues uniquement parce qu'il provient d'une agence de placement ou parce qu'il est autonome.

Ces réformes constituent de simple pas permettant aux travailleurs et travailleuses de reprendre le contrôle de leurs conditions de travail et de la richesse qu'ils contribuent à produire.

L'auteur est économiste à l'Institut de recherches et d'information socio-économique (www.iris-recherche.qc.ca).