Mort il y a six ans à l'âge de 93 ans, Michel Chartrand, homme libre, conséquent, sensible aux grandeurs et aux malheurs des uns et des autres, a laissé un héritage immense.

Cet amoureux de la nature, de la musique, de la danse, de la poésie, ce fou de justice a vécu pour redonner leur dignité aux plus démunis et aux laissés-pour-compte.

Par ses valeurs, ses convictions et ses combats, Michel Chartrand a profondément marqué le coeur et l'esprit de bien des Québécois de plus de 40 ans. Pour avoir sillonné le Québec afin de mieux faire connaître l'homme et son parcours, à Rimouski, à Montréal, à Québec, à Chicoutimi, à Trois-Rivières et à Mont-Laurier, j'ai fait la rencontre de gens heureux qu'on le rappelle à leur mémoire, car, disaient-ils, cela les stimulait à s'engager encore davantage pour un monde plus humain et plus égalitaire. « Michel n'est pas qu'un simple souvenir, c'est une force agissante. Comme tous les vrais héros », selon Alain Vadeboncoeur.

INSCRIT DANS NOTRE MÉMOIRE COLLECTIVE

Peu de syndicalistes ont autant touché les Québécois depuis 60 ans. Pourquoi ? La clarté de son discours, certes, mais aussi sa détermination à lutter sans relâche contre « le système ».

Son radicalisme a gagné bien des gens autant qu'il a choqué la plupart des possédants et des détenteurs de pouvoir.

Il disait jouer le rôle du coryphée dans le théâtre grec et s'y appliquait. « Le capitalisme est amoral, asocial, apatride » ; « Il n'est pas réformable, pas domptable », clamait-il, à partir des années 70. Il faut l'abolir. La lutte contre ce système d'exploitation et d'oppressions va être longue, très longue, une histoire de générations. D'ailleurs, il a eu jusqu'à sa mort en 2010 une profonde confiance en la jeunesse. Le nerf de la guerre, répétait-il, c'est l'éducation.

LE MOTEUR DE SON ACTION

Pour parvenir à une société plus humaine, plus égalitaire et ayant plus de chances de survie, on doit d'abord se persuader et convaincre les classes populaires, et tous ceux qui en sont solidaires, qu'on « ne se libère jamais seul ». C'était là son message, le moteur de son action et de sa vie.

À méditer en ces temps de mondialisation du capitalisme et de prolifération d'idéologies et de valeurs perfides comme la sacro-sainte nécessité de consommer toujours plus, l'individualisme forcené, l'esprit de compétitivité, d'excellence, de réussite personnelle.

Des valeurs de fraternité et de solidarité humaine incarnées dans l'action et des pratiques réellement démocratiques et un engagement pour la protection de l'eau, tel est son héritage.

*Coéditrice d'À bas les tueurs d'oiseaux ! - Michel Chartrand : témoignages et réflexions sur son parcours militant